C’est dans le cadre du tour belge des restos du cœur que Michel Fugain s’arrêtait en Belgique pour trois soirs à dater du premier mai.

L’occasion pour Scènesbelges.be de rencontrer cet incontournable de la chanson française mais aussi et surtout d’aborder ce qui le passionne le plus en ce moment, le projet « Pluribus ».

Echanges hauts en couleurs sans langue de bois… D’entrée de jeux, le ton est donné. Michel Fugain s’installe souriant et débordant d’énergie et annonce, dès que lui explique mon intention de centrer l’interview sur Pluribus, que c’est en effet ce dont il a envie de parler.

Scènes Belges : Michel Fugain, pouvez-vous m’expliquer comment est née l’idée de Pluribus ?

Michel Fugain : L’idée est venue via un ami, ingénieur du son qui m’a présenté celui qui allait devenir mon manager Alexandre.
Alex avait le projet de rassembler des musiciens issus de la scène jazz-blues dans un collectif d’artistes. Pour lui, venir me chercher, c’était revenir à l’image initiale qu’il avait de moi : un homme de bande. Sa proposition était extrêmement séduisante, elle permettait d’offrir au public une musique de très grande qualité tout en s’appuyant sur la relation très forte que le public et moi avions développée.
Soyons très clairs, nous ne sommes pas dans un spectacle de Michel Fugain accompagné de musiciens. Il s’agit d’un vrai collectif. Un spectacle musical de haute qualité tout en étant populaire. Les musiciens se mélangent, tout le monde est à l’avant à un moment ou un autre. J’aurais refusé si le spectacle n’avait eu lieu que sur mon nom.

La participation de Pierre Bertrand au projet a été décisive.

Moi, je n’apporte que des chansons et Pierre apporte les réarrangements sans concession.

Un matin, lorsque le projet était en préparation, je me suis réveillé et j’avais le mot Pluribus en tête, persuadé qu’il s’agissait du nom d’un groupe existant.

Je me suis mis à chercher dans Google et la seule chose que j’ai trouvé c’était «  E Pluribus Unum », la devise des States qui est affichée sur le grand sceau et qui signifie « A partir de plusieurs on fait un » et je me suis dit, c’est exactement ça l’idée sous-jacente. En plus l’idée, de Pluribus peut, pour ceux qui ne connaissent pas, évoquer la route, la tournée, le côté saltimbanque, ce qui est très caractéristique de Pluribus.

J’étais le premier surpris de voir à quel point les choses se sont mises naturellement en place une fois le groupe formé.

Pluribus, je l’espère, finira à termes par absorber Fugain pour devenir un groupe à part entière. Habituellement les musiciens accompagnent un chanteur. Ici, on est dans une bande, dans un groupe. Cela me surprend encore aujourd’hui. Les musiciens font des sacrifices dans leur carrière individuelle pour Pluribus car ils estiment que c’est de la musique intéressante à jouer et que l’aspect humain, ce qui ne peut être écrit, en vaut le coup.

SB : Vous êtes donc encore surpris aujourd’hui après autant d’années de carrière ?

MF : Alors que je mettais encore en doute il y a peu les possibilités de porter des projets collectifs dans une société extrêmement individualiste, je me rends compte avec Pluribus que tout est encore possible quand on a les volontés et les talents.

En choisissant de travailler avec Pierre Bertrand et les autres musiciens, nous avons posé un acte important car le premier critère pour le casting était d’être gentil. Nous voulions que le groupe soit en confiance, soit soudé, que chacun puisse trouver ses propres marques, puisse proposer un peu de ce qu’il est.

Quand on voit le parcours des musiciens qui sont avec nous, on voit clairement que tous les champs du possibles sont ouverts et que certains, qui ont des projets personnels extrêmement pointus, se mettent à jouer de la musique populaire avec une qualité inimaginable et certainement inconnue de la plupart des spectateurs qui sont, il faut bien le reconnaître, formatés à de la musique que l’on peut qualifier de facile.
Personnellement, j’ai adoré l’idée que mon public, fidèle de puis de très nombreuses années, puisse recevoir un tel cadeau musical.

Aujourd’hui, nous sommes comme une famille, des musiciens aux techniciens. Pour moi, chacun a un rôle dans le projet, tout le monde est concerné et chacun mérite sa part du succès. Dans une aventure comme celle-ci, on n’est personne sans les autres.

SB : Pluribus, vous le voyez évoluer comment ?

MF : J’ai 72 ans, je ne suis pas immortel et j’en suis conscient. J’espère que Pluribus va devenir un groupe reconnu et apprécié en dehors de ma participation, qu’il pourra avoir ses propres chansons. Je me fonds déjà dans le projet mais j’espère un jour le voir vivre sans moi.

SB : Aujourd’hui, Michel Fugain, vous êtes une valeur sûre. Un chanteur connu, reconnu, apprécié, qui fait partie du patrimoine. Qu’est-ce qui vous fait encore courir aujourd’hui ?

MF : Moi, j’ai peur de m’ennuyer, toujours. Je suis un créateur, c’est ça qui m’anime. Sentir physiquement le moment où tu sais que tu entres en phase de création.
Je suis surtout un créateur de musique mais je me sens également très proche de la sculpture. Quand je sculpte, je me sens vivre comme lorsque je fais ma musique.

J’ai la conviction, qu’un jour, ce sera cette création là qui m’animera.

J’ai besoin de bouger, d’être en mouvement, de me dépasser, de me remettre en danger mais je sais que j’ai du bol. Je suis quelqu’un d’honnête et de volontaire. J’ai besoin de palpiter. J’ai aussi la chance d’être entouré, très bien entouré tant personnellement que professionnellement.
SB : A l’heure où la plupart des chanteurs de votre génération se plaisent à poursuivre leur plan de carrière, à se lancer dans des projets sécurisés (par exemple « Les vieilles Canailles »), on a le sentiment que vous n’hésitez pas à remettre en question, à reprendre des risques. Vous n’avez pas envie d’un peu de calme ?

MF : Soyons très au clair, personnellement, les projets faits pour ramener de l’argent ne sont pas ma tasse de thé.

Si j’avais dû faire les choses pour l’argent, je serais riche aujourd’hui alors que c’est loin d’être le cas.

Moi, je veux faire de la musique pour me sentir vivre. Quand on écoute aujourd’hui les programmes des radios, on a le sentiment que tout est fait pour éviter de bousculer le public mais au final on l’endort, on le nourrit peu.
Je crois intimement que le public veut qu’on lui parle de lui, qu’on lui raconte la vie, qu’on laisse la place à leur ressenti tout en leur parlant un peu de toi, de ton intimité. C’est ça qui est intéressant dans l’art, transformer le personnel en universel et voir qu’au final ça parle. C’est ça pour moi l’essence du métier, la chose à travailler en tant qu’artiste.

Les valeurs et les principes sont essentiels, l’amour ou l’amitié, la fraternité, le partage et la confiance voilà ce qui pour moi est la base même de toute chanson. Je crois profondément qu’il faut chanter utile. Et là avec Pluribus, on est dans la défense absolue de ces valeurs. On n’est pas dans une mécanique rodée, il y a une générosité incroyable, des regards complices, des échanges non verbaux incroyables. Avec Pluribus on est dans un esprit de communion et là on touche à un essentiel humaniste.

SB : Michel Fugain, vous êtes un homme heureux ?

MF : Oh que oui, tant personnellement que professionnellement, j’ai le sentiment d’être bien à ma place.

A entendre Michel Fugain parler de Pluribus, on ne peut qu’être très impatient de découvrir ce groupe en live.

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