Ils n’auraient manqué ce moment pour rien au monde, les Liégeois. Car Jean-Louis Aubert, c’est un peu l’enfant du pays tant il a laissé sa marque, son empreinte. Dans les couloirs d’un Casino des Francofolies de Spa, notamment, ce qui a laissé moult souvenirs impérissable. Il faut dire, qu’il n’a pas changé Jean-Louis. Ou, en tout cas, il n’a pu que bonifier, l’éternel adolescent, habile voltigeur, réel rock’coeur protecteur et nourri par un lien indéfectible avec “ses amours“, son public. Un public qu’il a rarement déçu, un public qu’il a toujours rassuré, réchauffé d’un talent hors-pair.

Les lunettes noirs, Jean-Louis Aubert ne les a pas gardées: l'amour du public, il ne se regarde qu'au fond des yeux!

Les lunettes noirs, Jean-Louis Aubert ne les a pas gardées: l’amour du public, il ne se regarde qu’au fond des yeux!

Aubert, il est comme ça, on n’a même pas encore commencé à aborder son concert, qu’on en parle déjà avec des mots flatteurs, mais pesés. Car l’ex-Téléphone (front)Man est un magicien, un enchanteur de grande classe et d’insouciance. Ainsi, sans première partie et sur les notes de Sant’Engracia, le chanteur et guitariste a lancé ce concert liégeois avec la première piste de son dernier album “Chante Houellebecq“. Derrière des rails prennent forme, un train est lancé à toute allure. C’est comme une attraction, le voyage est immédiat, un voyage sur les bords des parages du vide. “En essayant de ne pas tomber dedans! (…) Bon voyage à tous” dit Jean-Louis comme un gamin, plein de chaleur. S’ensuit 1h20 de plongée à la croisée des chemins du poète (avec deux exceptions: Métro c’est trop et Les Plages) et du chanteur. Force est de constater que les deux univers se conjuguent à merveille! Sur cd, mais encore plus en live avec cuivres et le violoncelle de la divine Cubaine, Ana Carla. À quoi s’ajoute une superbe scénographie renforçant encore l’ambiance des chansons, avec un voile descendant devant la scène pour les meilleurs effets d’éclairage. Et même, le visage si reconnaissable de Michel Houellebeck s’invite, noir et blanc comme un fantôme hantant et habitant les textes qu’Aubert a fait siens, pour quelques monologues dont l’écrivain a le secret.

Aubert 3

Les chansons sont réellement magnifiées, l’instant est suspendu, puis comme le train de tout à l’heure, on prend un virage à 360 degrés, on quitte les parages, on quitte le vide si beau, et on revient aux bases, aux acquis, tous connaissent la musique, le riff de guitare, tous ont rêvé d’Un autre monde, tous l’ont déjà chanté. Sans oublier, la présentation des musiciens, toujours comme un enfant, innocent qui découvrirait ces fabuleux musiciens. Comme si Aubert était dans son monde. Ça tombe bien puisqu’il avait agrandi sa bulle pour nous y inclure et qu’est-ce qu’on y était bien. Avant d’asséner: “Merci beaucoup, le spectacle est terminé!” Ca fait 1h30 que le chanteur et son groupe balancent grave donc le concert pourrait terminer, la durée serait conventionnelle! Mais, c’est mal connaître le bonhomme qui se dédouane de toute volonté de quitter la scène: “Je vais regagner mes habits de chanteur.” Et on retourne de plus belle dans le répertoire d’Aubert, un répertoire encore loin d’être usé tant il embrase le public (de 10 à plus de 70 ans, sans exception). Tout y passe, le meilleur comme le… peer, le partage d’intensité, d’émotion dont Aubert se fait roi, à travers Alter Ego, la Bombe humaine, sa sublime reprise de Quand reviendras-tu d’une certaine longue dame brune, Marcelle (réclamé par le public depuis le début!), New York avec toi ou Temps à nouveau.

Aubert 1

Mais le temps est maintenant à quitter la scène, sans ménagement. Les applaudissements reprennent de plus belle et le rappel se fait vibrant. Mais le plus vibrant est à venir quand Jean-Louis et son groupe regagne la scène avec un inédit! So Long, Au revoir mais pas tout de suite car Michel Houllebecq ressurgit de l’ombre pour les couplets des Derniers Temps. Mais oui, c’est du slam! “Il y aura la mort tu le sais mon amour, Il y aura le malheur et les tout derniers jours, On n’oublie jamais rien, les mots et les visages, Flottent joyeusement jusqu’au dernier rivage, Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.” Aubert, lui, se contente de chanter deux mots, qui pourraient en contenir des milliers, deux mots clairs et précis “So long“, chargés d’émotion, presque plaintif. En réponse à quoi, le chanteur donne la réponse avec une de ses plus belles chansons: Puisses-tu.

Deuxième rappel, déchaîné, comme dans un stade. “Popolopopopopo“, qu’Aubert et son guitariste, sortis de l’arrière-scène, s’amusent à copier à la guitare. Avant de dévier vers la chanson que tout le monde attend, jouissive et énergique, en toute folie assumée, Ça c’est vraiment toi, plus de dix minutes entre medley (avec Flipper et Voilà c’est fini entre autres improvisations musicales), cris et sauts dans tous les sens  à l’appui. Puis l’heure de la dernière note, il est plus de 23h, mine de rien, le chanteur a joué pendant 2h55 (!), on n’a rien vu venir, rien vu passer non plus. 2h50 pendant lesquelles Jean-Louis a constamment parlé avec le public, le sien, s’inquiétant de savoir s’il allait bien, le tenant presque par la main. C’est sans doute la marque des plus grands. Et ce concert était sans doute le plus beau spectacle que j’ai vu cette année!

Galerie des photos de Christelle Anceau ici

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