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Souchon et Voulzy, de l’émotion et « un pied de nez » aux terroristes

Il y a des soirs à tétaniser et des lendemains à entrer en résistance. Hier soir au Palais 12, c’était le cas. Comme avec un journal des survivants, il y a eu le live des vivants. De par la France et les pays voisins, certains artistes ont renoncé à monter sur scène. On les comprendra parfaitement. Laurent Voulzy et Alain Souchon étaient de ceux non-résignés et prêts à tout pour faire entendre leurs chansons et leurs musiques. Avec une légèreté de mise sur la gravité, pour près de deux heures et trente de parenthèse bienfaitrice. Parmi le public, sans doute y avait-il de la peur au début mais également un refus de s’effondrer et une formidable envie de continuer la fête. Avec le kevlar de l’espoir et l’armure du regroupement. Et des fans adorables réservant quelques surpris au duo qu’on aime adorer.

Et c’est une salle bien remplie qui a accueilli le duo d’inséparables. Passé un clip éminemment sympathique voyant Souchon-Voulzy et tous leurs musiciens arriver à Bruxelles, le spectacle a pu commencer dans la légèreté du Vent qui va et la cour de récré de J’ai dix ans. « Jolies Bruxelloises, gentils Bruxellois« , harangue Alain Souchon, aérien. Tandis que Voulzy propose une poignée de secondes dans le silence du deuil et de l’hommage. Un silence pesant et respecté qu’Alain Souchon vient conclure: « Comme pour faire un pied de nez à ces gens qui ont blessé notre joli pays, hier soir, nous allons rire et chanter, toute la soirée, de bon coeur. » Salve chaleureuse d’applaudissement et le voyage peut commencer, dans une réalité bubblegum. L’enthousiasme des deux chanteurs est contagieux et bientôt une grande partie de la salle se retrouve debout… pour mieux faire râler ceux qui voulaient rester assis. Souchon et Voulzy se partagent les couplets avec l’entrain et la vigueur de deux adolescents qu’ils n’ont jamais vraiment cessé d’être. Et même après plus de quarante ans, le courant n’est peut-être jamais aussi bien passé. Et les tubes conçus par ces deux orfèvres s’enchaînent sans temps morts: Jamais content, Bad Boys, Caché derrière

Et si on s’émancipe de la réalité, il faut bien y revenir le temps de quelques chansons. Comme le douloureux mais tellement inestimable « Et si en plus y’a personne » repris par Alain Souchon dans un duo piano-voix. La voix défaille un rien parfois mais l’émotion est intense et vibrante, tellement à propos. Et c’est Laurent Voulzy qui vient enserrer son vieux pote à la fin de la chanson. Un Voulzy marqué, moins à son affaire, le stress et un retour défaillant, un poids lourd sur les épaules aussi, certainement, rattrapé par les événements. Oiseau malin est un peu faux mais cela ne fait que nourrir un peu plus l’attachement face à ce guitariste grandiose et si amical. Et la suite est parfaite, riche en agréments musicaux en arrangements, de la Baie des Fourmis aux lieux où Le soleil donne, au parterre du Pouvoir des fleurs sans oublier les routes américaines d’un cowboy très beau, James Dean bidon. Tantôt en duo, tantôt en solo.

Mais puisqu’Alain nous avait prévenu, il y a aussi eu de la place entre les pistes pour de francs sourires transformant ce concert en un two-men-show salvateur. Et puisque les deux chanteurs se connaissent jusque dans leurs failles, Souchon nous donne une leçon de philoso-rire autour du thème de l’injustice. « Dis-moi, Laurent, tu as commencé à jouer de la guitare quand? » « Vers 14-15 ans. » « Comme moi, mais moi, ça n’a pas donné le même résultat. » Les petites blagues se multiplient quitte à surprendre son acolyte guitariste parfois pris de fous-rires et à jouer d’une fausse rivalité. Puis, il y a le comique de faciès et, comme un grand gamin, Alain Souchon s’en donne à coeur-joie, multipliant les grimaces, gesticulant et piquant des sprints sur son Poulailler’s song.

Au final, le duo convie le public à deux rappels. L’un avec tous leurs musiciens reprenant Foule Sentimentale, puis l’inévitable et ultra-énergique « Rockollection » sur lequel on a pu s’apercevoir qu’Alain Souchon faisait très bien l’avion sur une piste d’atterrissage improvisée… sur le piano. Puis, c’est seuls en scène qu’ils ont conclu sur un Belle-île en mer. Après les acclamations méritées pour ce concert qui mine de rien n’était pas très loin des 2h30, il a bien fallu regagner la voiture et la réalité, rallumer la radio. Mais le coeur plus léger, merci à ces deux-là d’être venus quand même, pour un moment qui forcément restera dans les mémoires, et pas que par ses circonstances.

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