Un PBA (Charleroi), deux Cirque Royal et deux Forum d’ores et déjà pris d’assaut.
Et puis surtout un album hommage à une des figures incontournables de la chanson française.
Bruel est de retour là où on ne l’attendait pas forcément, un rendez-vous autour de Barbara, une des lumières, avec Brassens, Brel ou Reggiani, qui ont éclairé le parcours de l’artiste français depuis le début.
De Patrick Bruel on connaît les titres devenus des classiques, les films, les émissions de poker. On connaît un peu moins l’homme. Celui qui se cache derrière l’artiste. Le Patrick derrière le Patriiiiiick. Pourtant, derrière les paillettes, c’est un homme posé, intelligent et ouvert que nous avons rencontré lors de son dernier passage à Bruxelles. Une rencontre en deux temps.

Vendredi soir, devant la salle de la Madeleine fraichement inaugurée, une file de chanceux et chanceuses se presse. Jamais un concours n’avait suscité un tel engouement nous dira le responsable de Nostalgie. Dès l’annonce de l’enregistrement de l’émission spéciale Bruel, les SMS se sont fait nombreux, atteignant un record.

L’émission démarre avec Vienne, une version forte et délicate. On comprend que le registre est bien différent de celui auquel l’artiste avait habitué son public et pourtant c’est un succès comme le fut le reste de l’enregistrement. Malgré les soucis techniques, Patrick Bruel s’est montré détendu et son humour a très vite fait oublier les légers flottements.

Le lendemain, il nous attend à son hôtel. Bruxelles est grise, sous la pluie et l’ombre de Nantes plane sur cette rencontre.
On ne reviendra pas sur les raisons qui l’ont poussé à s’attaquer au répertoire de Barbara, il s’en est expliqué 100 fois. C’est plus loin que nous souhaitons aller, explorer les zones moins évidentes de ce projet audacieux et évoquer déjà la tournée qui s’annonce et pour laquelle il entrera en répétition dès le lendemain. Établir les ponts entre sa propre histoire, ses chansons et la grande Dame.

Scènes belges: En reprenant Barbara, vous offrez au public une magnifique opportunité de rencontrer un répertoire dense et sensible. Était-ce une de vos motivations ?

Patrick Bruel: Je ne me suis pas dit au tout départ que je voulais faire découvrir Barbara. Je n’avais pas conscience qu’elle était à ce point peu connue du grand public.
Quand j’ai démarré le projet, j’en ai parlé autour de moi et très vite j’ai été surpris des réactions. Certains me demandaient Barbara qui ? D’autres n’évoquait que l’Aigle noir. Je me suis dit qu’il y avait du boulot, ce qui, pour moi qui vis avec Barbara depuis quasi toujours, était une réelle surprise. Alors que cela n’était absolument pas une de mes motivations, j’y ai vu une belle opportunité d’offrir ces chansons comme un cadeau, avec une espèce de vertu pédagogique.

SB: En ayant conscience de l’aspect sans doute confidentiel du répertoire de Barbara, comment avez vous fait votre choix parmi ses chansons ? Le disque compte 15 titres parmi un répertoire bien plus dense. Qu’est-ce qui a guidé votre sélection ?

PB: Il y avait 10 chansons incontournables que j’étais sûr de mettre dans le disque, qui étaient pour moi incontournables car elles avaient compté pour moi, joué un rôle dans mon histoire. Après, j’ai en effet du faire des choix. « Du bout des lèvres » plutôt que « Septembre », …
Il manque « La Petite Cantate » je pense. Et avec le recul sans doute aussi « Au cœur de la nuit » qui ferme la boucle de l’histoire avec « L’Aigle Noir ». Elles seront peut-être dans le spectacle. Un disque c’est toujours frustrant. On le réalise, on pense, au moment de le terminer, qu’on y a mis le meilleur, qu’on a fait de son mieux et dès le lendemain, on a déjà envie de le changer. Mais c’est le principe de l’objet, c’est une photo qu’on ne peut plus modifier.

SB: Sur scène, allez-vous aller plus loin dans l’exploration du répertoire de Barbara?

PB: Oui, il y en aura sans doute quelques-unes de plus. On démarre les répétitions demain. C’est encore un peu flou mais dans un répertoire aussi fourni que celui de Barbara, on peut trouver tant de sources d’inspiration.

SB: Allez-vous aborder dans ce spectacle des chansons de votre propre répertoire ? Il y a des parallèles entre certaines de vos propres chansons et celles de Barbara. Les thématiques sont assez proches, l’enfance, la nostalgie, l’injustice, l’amour, la fidélité, le rapport au père. On peut voir un certain effet miroir entre par exemple « Lettre au Père Noël » ou « Qui a le droit» et « Perlimpinpin». Allez-vous articuler les deux univers ?

PB: Comment les amener dans l’histoire ? Je trouve bien de faire un lien entre nos deux univers mais je ne veux pas que les gens viennent avec l’espoir de me voir chanter mes chansons et un peu de Barbara. Même dans la scénographie, on cherche comment évoquer sa présence sans tomber dans la démagogie, les clichés. J’avais pensé au fauteuil à bascule mais quand le mettre, comment. Je sais que les réponses arriveront en leur temps mais on démarre bientôt donc on doit avancer. Mais c’est aussi très riche d’imaginer ce spectacle.

SB: Barbara est certainement une des icônes féminines les plus forte, ses textes sont évidemment le reflet de sa personnalité. Comment avez-vous abordé cet aspect au moment de vous approprier les chansons ? Sur « Quand reviendras-tu ? » une phrase a été féminisée, les « femmes de marins » de l’original sont devenues des « chevaliers anciens », était-ce nécessaire pour vous de passer par ce changement ?

PB: Non, c’était une énorme bêtise de changer ce texte. Mouloudji avait réalisé une version masculine de cette chanson avec l’accord de Barbara. C’est pour ça, qu’au moment de l’enregistrer j’ai choisi la version c”masculine” mais je pense que je me suis trompé. Cela n’avait aucun sens et je l’ai d’ailleurs remis dans le spectacle dans la version initiale. Voilà une des raisons pour lesquelles je n’aime pas terminer un disque. Quand on se rend compte qu’on s’est trompé, c’est trop tard. Après, on a la chance de pouvoir se rattraper sur scène.

SB: Barbara a un univers très symbolique ce qui le différencie du vôtre, plus réaliste. Est-ce que cela a été une difficulté pour l’interprétation ?

PB: Je n’ai pas eu de difficulté à interpréter les chansons. Ce qui a, par contre, été difficile c’était de canaliser mon émotion et pour certains titres comme « Ma pus belle histoire d’amour » ou « Mon enfance » d’arriver au bout tant l’émotion était forte et intense.

Ce qui m’a surpris c’est ,qu’alors que je pense bien connaître Barbara, j’ai réellement découvert les chansons en enregistrant ce disque. J’ai rencontré ces textes. Je n’avais jamais chanté Barbara sauf lorsque j’étais dans la salle. Au Enfoirés, j’ai repris une fois Barbara mais uniquement parce que ça m’agaçait qu’ils la fassent sans moi.

SB: L’intimité qui est présente chez Barbara implique une attitude quasi solennelle dans l’écoute. Pensez-vous que votre public comprenne que ce spectacle aura une ambiance très particulière qui appellera une écoute sans doute différente de celle à laquelle il est habitué ?

PB: Oui, je pense que le public a compris. Le choix des salles, l’atmosphère du disque, l’intimité aussi des textes me font croire que la rencontre avec le public se fera dans une écoute sensible et respectueuse. Le public sait qu’il ne va pas assister à un spectacle du type de ceux qu’ils ont vu à Forest national. Je crois qu’il faut être honnête. C’est un spectacle autour de Barbara, je ne fais pas un concert à moi avec un medley de Barbara au milieu. Le public sait ce que nous allons essayer de lui offrir. C’est important qu’on soit au clair sur cette question lui et moi.

SB: Vous démarrez par Charleroi, vous l’aviez annoncé lors de votre passage lors de “Viva for Life” et on sait que cette ville a compté dans l’histoire de Barbara. En choisissant de vous produire, pour la première fois dans cette ville, vous faites preuve d’une fidélité incroyable à votre public mais aussi à Barbara. La fidélité, c’est quelque chose qui compte pour vous ?

PB: La fidélité oui mais surtout la complicité. La force d’un contrat existe entre mon public et moi. Il ne faut pas donner des coups de canifs dans ce contrat. J’ai la chance d’avoir ce rapport avec le public depuis le premier moment où je me suis présenté à eux. Le public vous accueille chez eux, à moi, artiste de ne pas les décevoir. On vit une histoire d’amour mais je n’arrive pas à dire au public « Ma plus belle histoire d’amour » c’est vous parce que contrairement à Barbara ce n’est pas vrai. Barbara n’existait que par son rapport au public.
Je suis un artiste mais je me suis construit en dehors de la scène aussi.
J’ai une famille, des enfants. C’est ça ma plus belle histoire d’amour. Mais avec le public, on vit bien évidemment une très belle histoire.

J’aime offrir au public le meilleur, j’essaie de faire plaisir au public, d’aller là où il a envie qu’on se rencontre mais j’aime aussi qu’il me suive dans mes audaces. J’aime surprendre le public et qu’il me surprenne. Je pense que la durée n’est possible qu’avec l’étonnement.
J’ai la chance aussi d’avoir un public qui me comprend. On a parlé de la Bruelmania, c’est vrai il y a une ambiance incroyable dans mes concerts mais quand on aborde un titre comme « Musique vieille » l’écoute est respectueuse.

SB: Vous démarrez la préparation du spectacle. Dans quel état êtes-vous ? Êtes-vous moins stressé sur un projet comme celui-ci qui est le fruit d’une longue maturation ?

PB: Je n’ai jamais été aussi peu à l’aise.
J’ai déjà chanté deux fois devant le public pour ce disque. A chaque fois c’était un joli moment. Les chansons se suffisent à elles-mêmes. On est à un moment intéressant. Je ne pensais pas que cet album allait autant me ramener à ma propre histoire, je pense que la peur est liée à ça.
Dans cet album, il y a une force personnelle énorme. Ma mère y est en filigrane. Elle est émue par le projet car Barbara est importante dans notre histoire. Je chanterai d’ailleurs « Si un soir » qui est sur le lien que j’ai avec ma mère, j’y parlais d’ailleurs de Barbara.
Cette aventure, c’est finalement une histoire faite de résonances, moment quasi thérapeutique. Je n’en avais pas conscience en démarrant ce projet.

Visuel Tournée - PATRICK BRUEL- Très souvent, je pense à vous...L’album « Très souvent je pense à vous » est à découvrir sur scène au PBA de Charleroi le 16 mars 2016, au Cirque royal les 24 et 25 mai 2016 et au Forum de Liège les 26 et 27 mai 2016.

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