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On l’avait raté aux Francofolies de Spa, à notre plus grand regret. Et pour notre plus grand bonheur, c’est à Louvain-la-Neuve, dans la magnifique Ferme du Biéreau, que Nicolas Peyrac a arrêté pour près de deux heures ses “Acoustiques improvisées”, tout en simplicité mais aussi sans concession sur une carrière de plus de quarante ans. Une carrière où quelques grands succès furent tels des arbres cachant une forêt bien plus grande, bien plus forte, plus “coup de poing”. Tout en restant évanescente sous des So far away et des Je pars mais susceptible de revenir au bon moment. Et, ce  30 septembre, était venu pour Nicolas Peyrac le soir de tout remettre en place (pour la bonne cause, en plus, puisque tous les bénéfices étaient reversés à l’association Les Pilotis (dont le but est l’aménagement d’habitations communautaires inclusives adaptées aux jeunes adultes peu autonomes porteurs d’un handicap mental voire moteur).

Dans le plus simple appareil, avec une seule guitare mais aussi tout l’amour et l’humanité d’un homme qui “from Argentina to South Africa”, du Golden Gate à Monterey, en passant par bien d’autres pays dont il a cultivé les richesses et les rencontres.

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Mais avant toute chose, c’est en réducteur de tête… euh de textes que l’écrivain Luc-Michel Fouassier s’est essayé à piéger le lecteur-auditeur, pris entre les fulgurances des deux clarinettistes Jean Cailliez et Sébastien Logereau, dans quelques unes de ses Histoires Jivajo (cent histoires de cent mots publiées aux éditions Quadratures) maniant le quotidien surréaliste et cynique pour l’emmener vers une conclusion aux confins du fantastique réaliste. Étonnant, d’autant que jamais la voix de Luc-Michel ne se mélange aux mélodies. Et tel un Pierre face aux loups dont peut se travestir la modernité, l’écrivain offre une balade salvatrice et vivifiante, pétillante aussi.

Réducteur, Nicolas Peyrac ne veut pas l’être. Ces grands succès lui “cavalent assez sur le haricot” comme ça. C’est dit et le voyageur inarrêtable parle, dans cette ferme qui a des allures de cathédrale avec ces grandes colonnes (qui, il est vrai, gâche parfois la vue sur la scène), en toute franchise. Celui qui est “entré sans frapper dans votre vie un matin” est de retour ce soir sans langue de bois et avec des “chansons qu’il ne joue jamais” en formule acoustique et purement guitaristique. Un spectacle mûri en cuisine et dont le fumet a très vite fait d’enivrer le public présent.

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Il faut dire que quand on plonge dans le répertoire de celui qui faillit bien être médecin, on n’en ressort pas de sitôt. De ses études, le chanteur a gardé la précision chirurgicale des mots à émotions. Peyrac, s’il aime parler de cinéma n’a pas son pareil pour en faire lui-même à sa manière, suscitant des images, des voyages, des visages aussi. Capable aussi de soulever les colères, et d’emmener la haine voire de l’autre côté. C’est sûr, Nicolas Peyrac n’a rien de moins qu’un Lavilliers et a plus de chansons “coup de poing” et importantes que de grands succès (normal, quand on sait que son formidable Ne me parlez pas de couleur fut banni de certaines radios parce qu'”il risquait de déranger les ménagères” alors qu’il n’a cessé de gagner en importance face aux montées de barbaries, de haines et d’extrémismes qui sont à leur paroxysme actuellement). C’est dommage mais cela préserve les moments intimes et entre nous avec un chanteur qui n’a de cesse de respecter son public.

L’allure de jeune homme est toujours là et la voix du breton cosmopolite est plus puissante que jamais, sublimée par ce guitare-voix non-interrompu. Comme ce voyage qui nous porte des vocalises de Brel à “sa voix dans Casablanca“, du Saint-Germain-des-Prés de Guy Béart jusqu’aux remparts de Gorée, en passant par quelques accords de Donovan sans oublier l’Amérique du sud.  Éludant les temps morts, racontant la vie de ses chansons (comme ce grand succès qu’est Le vin me saoulearrivé le lundi sur les antennes pour atterrir dans les poubelles des producteurs, le mercredi. Fulgurant“), un peu de sa vie aussi (cette période où il racontait l’histoire de cocotiers bleus de l’arche de Noé revue et corrigée).

Le temps file, forcément chacun aimerait entendre l’une ou l’autre chanson en particulier (moi, c’était plutôt celles de Tempête sur Ouessant, mon album “porte d’entrée” sur l’univers de Peyrac), mais Nicolas fait la loi, gentiment, et on ne pourrait rêver meilleure setlist (l’universel, malheureusement, Une peau que t’as pas, On dit, le bouleversant Colombo par Ceylan…). Meilleur showman, non plus, car entre les bisous à la caméra et l’appel aux rythmiques du public, le sexagénaire sait y faire. À un tel point que le public est sans compromis. Et après un premier rappel qui voit Nicolas Peyrac chanter a cappella un intense Et la fête est finie et terminer sur un Je pars de circonstance qui entend bien fermer la valise à souvenirs pour de bon, la salle comble ne veut pas le laisser mettre un point final aussi facilement à ce concert très fort.

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Après six minutes d’applaudissements, le chanteur refait son apparition pour reprendre Les remparts de Gorée et Mississippi River. Une conclusion admirable qui prouve l’incroyable et inestimable richesse de la discographie de Nicolas Peyrac dont on attend depuis si longtemps une intégrale.

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