C’est la foule des grands soirs qui se presse dans les serres et les jardins du Botanique pour cette septième nuit déjà. Trouver une place de parking relève d’ailleurs du parcours du combattant ce soir. Foule très cosmopolite où l’on croise des familles qui viennent voir Mustii pour une création originale à l’Orangerie, mais aussi des Parisiens (mais surtout des Parisiennes) branchés et expatriés venus parce que ce soir le Botanique c’est « the place to be ». En effet, il y a Lou Doillon qui joue dans le Chapiteau en tête d’affiche. Foule cosmopolite donc ce soir, puisqu’aux familles et aux « branchés » viennent s’ajouter la grosse centaine d’hybrides qui oscille entre la dégaine grungisante, de raveurs et l’amateur de musique urbaine. Oui c’est un peu cliché c’est vrai, mais les flûtes de champagne et les Carapils (véridique) se côtoient. Ce soir à la Rotonde il y a aussi Onmens et Run SOFA qui sont venus pour mettre du bordel, du gros bordel même. Tout de suite ils sont moins nombreux à lever la main pour dire qu’ils connaissent, même de nom. Mais tous ces hybrides sont venus pour ça

C’est donc devant une assistance réduite à une petite trentaine de curieux principalement, que le duo electro-punkisant d’Onmens monte sur scène à 20h30 pile. Fort d’une discographie de trois albums, leur notoriété semble surtout s’être faite au Nord du pays jusqu’à maintenant. Duo donc, avec un guitariste qui par ses innombrables pédales d’effets fait cracher des sons tous plus tordus les uns que les autres à ses cinq guitares. Quand au chanteur, avec sa dégaine de déséquilibré qui vient de s’échapper d’un hôpital psychiatrique, il se charge d’envoyer les bandes sonores à chaque début de morceau. Leur son ? Il pourrait se définir comme de la musique de luna park des années 90 blindées d’un savant mélange de drogues nerveusement euphorisantes. Avec une alternance de beats effrénés et dansant, et d’autres plus saccadés et hachés. Le tout avec ce gros son de guitare, souvent très métallique. Sans oublier d’y ajouter cette voix, hurlant le plus souvent un tas de joyeuses insanités en anglais. Et le chanteur ne se contente pas que de ça, puisque son corps est en mouvement constant, dansant le plus souvent comme un pantin désarticulé. C’est donc tout naturellement qu’au bout de quelques titres, il se retrouve torse nu. Avec quelques escapades dans le public au passage. Ils sont donc deux mais ils envoient du lourd, et les curieux deviennent de plus en plus réceptifs, les têtes se mettent à balancer gaiement, avant que le reste du corps ne suive le mouvement. Et la Rotonde se remplit gentiment mais sûrement. Bref ça bastonne bien et le light show suit le mouvement, les stroboscopes sont de sorties. Au bout d’une petite quarantaine de minutes, ils quittent la scène dans une dernière salve de riffs et de beats nerveux. On en aurait bien reprit encore un peu. Mais les impératifs de timing ne sont pas extensibles.

Après un petit détour par le bar, retour dans la Rotonde maintenant relativement bien garnie pour Run SOFA, la tête d’affiche du jour, qui vient présenter son nouvel EP, « The joy of missing out » sorti il y a quelques jours. Il fait suite à un premier album, “Say”, sorti en 2018. Les deux cousins carolos font partie de ces groupes qui montent et se font un nom, l’air de rien et petit à petit, mais sans s’arrêter en chemin non plus. Comme leur public (dixit le frontman), leur musique est mutante, ça se percute généreusement quelque part entre le hip-hop, l’électro et l’expérimental, tout en dérapant régulièrement dans une flaque de bière chaudement rock’n’roll. Les samples et autres sons expérimentaux créés en live se marient avec le son de la guitare du cousin. Quelque chose de finalement assez en phase avec Charleroi, où des environnements, des influences et des cultures diverses s’enchevêtrent dans une déstructuration cohérente qui tient la route malgré tout. Avec un son gras et un peu dégueulasse, on pense par moment, n’ayons pas peur du comparatif, à Rage Against The Machine et Cypress Hill. Parce que oui sur scène ça envoie aussi bien comme il faut. Le duo chant-guitares est accompagné d’un batteur qui n’est autre que… le chanteur d’Onmens, passé derrière les caisses et cymbales pour le coup. Je vous laisse imaginer le bazar du coup. Et la scène ne semble pas être un terrain de jeu suffisamment grand pour le chanteur, Antoine, qui, à plusieurs reprises et sans signe annonciateur va se jeter dans le public, quand il ne se jette pas tout simplement à terre sur scène pour hurler. Et puis il y a ces enchaînements vocaux où il passe d’un chant aigu à des cris gutturaux, tout en faisant un détour par des passage dans une style plus proche des “musiques urbaines”.

Mutant donc, et forcément inclassable alors. Et c’est ce qui fait autant la richesse de leur compos et de leur présence scénique que ce qui est, et sera probablement un frein à une notoriété accrue. Celle-ci nécessiterait de passer probablement par un son plus aseptisé. Mais est-ce vraiment cela qu’ils recherchent ? Avant de s’appeler Run SOFA, leurs compos étaient bien plus expérimentales et bien moins accessibles qu’elles ne le sont aujourd’hui, et ils ont évolué un temps sous le nom de “No Tolerance For Silence”. Ce qui veut déjà dire beaucoup de choses.

Après un rappel rageusement pogotisant, et au bout d’une petite heure, les trois allumés du cerveau quittent la scène définitivement. On lit la satisfaction sur les visages du public. Il ne reste plus qu’à s’extirper du chaudron qui est entré en fusion une heure durant. Petit clin d’oeil sympa en termes de promotion : leur merchandising est vendu dans des boîtes à pizzas. C’est pas grand chose mais c’est original et ça à de la gueule malgré tout.

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