Il y a des soirs comme ça où tout part en vrille sans que personne ne l’ai vu venir alors que tout semblait pourtant sous contrôle. Mais avec une affiche comme celle de ce vendredi soir au Botanique dans le cadre des Nuits il aurait pu difficilement en être autrement : Biffty, La Fine Equipe et Salut C’est Cool rassemblés dans une même soirée et sur une même scène. Ça allait forcément laisser des traces… de bière, de sueur, et d’autres substances plus ou moins identifiables.

Comme souvent, le groupe qui ouvre la soirée doit faire face à un chapiteau clairsemé au moment de monter sur scène. Mais pour Biffty cela ne semble pas poser de problème du tout. Il attaque sans échauffement préalable pour balancer son hip hop gras et crasseux à souhait. Et la sauce prend. Sur scène il est accompagné de son crew  composé de deux MC d’un DJ et d’un type qui monte sur scène de temps en temps, pull à capuche vissé sur la tête, pour venir danser. Mais pas de n’importe quelle manière, il danse généreusement n’importe comment. Les amoureux de poésie, de bonnes manières et de respect des règles établies auront déjà eu l’occasion de faire quatre infarctus le temps du premier morceau. En effet, les paroles tournent pas mal autour de thème tels que « je vais ni*** ta mère », « va te faire en***** » et de la fumette. Mais tout ça est pleinement assumé avec tout ce que cela comprend de second degré et donc de franches rigolades. Dans le parterre ça beugle généreusement les paroles, puis ça se met à jumper allègrement avant de partir spontanément en « circle pit » ou en « braveheart ». Il est toujours intéressant de constater que les codes qui étaient jusqu’alors réservés aux concerts de rock en général s’exportent dans les concerts de hip-hop. Au bout d’une quarantaine de minutes et après une dernière volée cradingue, Biffty et son crew quittent la scène d’un chapiteau qui n’a encore rien vu ce soir.

Après un court changement de plateau, c’est La Fine Équipe qui prend le relais. Pilier d’une certaine scène électronique française novatrice et très productive, les quatre beatmakers (Oogo, Chomsky, Mr,Gib et Blanka) maîtrisent leur sujet. Les Nuits du Bota constituent la première date de leur tournée pour promouvoir leur nouvel album, « 5th Season », le cinquième, logique. Ils sont accompagnés d’un light show bien travaillé à base de formes géométriques qui font légèrement penser aux visuels de Kraftwerk. Après un début de set relativement tranquille pour poser l’ambiance et pour que le chapiteau se remplisse pour de bon, ils passent la seconde (et même la troisième) au bout d’une petite demi-heure. Chaque membre du collectif vient amener sa touche et sa sensibilité musicale pour insérer judicieusement des productions issues de leurs projets individuels respectifs dans le set. Une petite dédicace à Fakear, autre fer de lance de ce courant, et la machine repart de plus belle pour une grosse demi-heure sur un mode « dancefloor sur ressort ». On voit que c’est vendredi soir, qu’en dehors du chapiteau l’air est frais et qu’il faut se réchauffer. L’ambiance et le thermomètre se sont octroyés un bon paquet de degrés supplémentaires tout au long de ce set d’une petite heure quart. Ce qui n’a pas semblé déplaire aux quatre sorciers électroniques.

Petite pause avant d’entamer la dernière partie du marathon de la nuit avec les énergumènes de Salut C’est Cool. Le public est chaud bouillant, le concert n’a même pas encore commencé qu’il y a déjà des gars torses nus un peu partout, prêt à en découdre. Et de fait, au moment où les lumières s’éteignent c’est tout le chapiteau définitivement bondé qui se met à gronder de plaisir, prêt à brûler des milliers de calories et à écouler des centaines de litres de sueurs au son de la techno survitaminée et faussement primaire des Parisiens. Faussement primaire parce que sous leurs airs de gros baltringues décérébrés, il y a un vrai travail et la recherche d’un son, d’un rythme, et aussi parfois d’une mélodie. Et le résultat est diablement efficace.

Après une entrée en scène pour le moins volontairement bancal où un des « chanteurs » se pose devant un micro bourré d’effets pour annoncer qu’il va faire un « chauffage de voix », ce qui fait déjà décoller le public, il est rejoint par ses comparses. Ceux-ci viennent avec des cartons d’emballages de meubles tout droit sortis de chez IKEA. Ça tombe bien, le premier titre s’appelle « Ça sent la maison ». Et dès le deuxième morceau, les voilà qui ramènent une trottinette sur scène. Mais pas n’importe quelle trottinette, ils nous ramènent une de celles qui sont en location dans la ville, qu’ils ont donc louée pour la soirée. Et très rapidement cette trottinette devient l’élément central de leur performance, ils modifient les paroles de certaines chansons pour y caser la trottinette dès qu’ils le peuvent. La première partie du concert déboule donc pied au plancher. D’ailleurs parlons-en du plancher du chapiteau, avec une foule surexcitée qui saute comme un seul homme au rythme des gros beats dansants. Il tient bon le plancher, mais pour combien de temps car même sans sauter il faut rester vigilant à ne pas perdre l’équilibre. Les morceaux les plus emblématiques du groupe y passent : Tony Hawlk, Les fleurs, Des Formes et des couleurs, Crocosmaute, etc.

Et puis arrive le déjà légendaire « Techno toujours pareil » qui retourne le chapiteau une bonne fois pour toute. Une foule hurle à gorge surdéployée « Techno toujours pareil, boum boum dans les oreilles, musique de défonce-man, pas de message normal, rien à dire ». Et ce jusqu’à l’infini, ou jusqu’à épuisement pulmonaire général. La sécurité galère un peu à gérer les mouvements de foule, les vagues de bière et les slammeurs qui traversent le chapiteau. Après un passage un peu plus posé, enfin tout est relatif avec Salut C’est Cool, ça redécolle furieusement avec des beats à fréquence épileptique. Et la trottinette fait son retour triomphal dans la foulée. En guise de rappel et à la demande général, un petit « Salam Aleykoum » envoyé avec punch permet de vider les dernières forces restantes chez chacun. Les lumières se rallument, et après dispersion de la masse humaine on peut constater que le chapiteau a vécu intensément ce soir et surtout que le plancher a tenu bon malgré son état de crasse généralisée. C’est à se demander pourquoi certaines personnes  paient encore des abonnements dans les salles de sport alors qu’un concert de Salut C’est Cool suffit à éliminer quatre années de malbouffe.

Pour les plus courageux, la soirée se sera prolongée jusqu’à cinq heures du matin à la Rotonde avec une after-party concoctée par les organisateurs de ces Nuits joliment sauvages.

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