Treizième et dernière nuit pour le festival Bruxellois qui aura donc vu se produire plus de cent-vingt groupes et artistes. Un léger goût de nostalgie se fait déjà sentir alors qu’un beau ciel bleu vient réchauffer les nombreux festivaliers posés sur les marches des jardins en ce début de dimanche soir.

C’est avec ce même soleil couchant que les liégeois d’Ykons montent sur la scène du Chapiteau devant un public nombreux, dont un paquet de citoyens de la cité ardente qui a fait le déplacement pour l’occasion. Ils sont venus défendre leur premier album, “Reflected”, sorti début d’année et sur lequel ils ont bossé trois ans. Ils arrivent avec un show musicalement et visuellement déjà très travaillé. En fond de scène et suspendus, on retrouve des cubes aux extrémités lumineuses qui viennent accompagner un light show classieux et lumineux. C’est donc une bonne partie de cet album qu’ils sont venus présenter avec conviction et sérénité. Album dans la mouvance indie-pop (et légèrement électronisée) actuelle, à la Snow Patrol, le côté légèrement plaintif en moins. En ouverture ils servent une version tranquille mais profonde de leur single “Like a feather”. Leur musique dégage quelque chose de l’ordre d’une grande traversée un peu folle d’étendues sauvages et belles, bercée d’une chaude nostalgie qui fait penser aux dernières productions de Mumford and Sons. La grande traversée devient effectivement un peu folle en fin de set avec tout d’abord le titre d’ouverture de leur album “Have a great crash” marqué par ses guitares et ses synthés carrément galopants. Et c’est dans une version rallongée et franchement dansante de leur single “Red light” qu’ils achèvent leur set d’une quarantaine de minutes. Le public ne se gêne pas pour manifester son enthousiasme. Public que tout au long du concert, le chanteur ira chercher en essayant de l’intégrer autant que possible à l’énergie de la scène et de leur musique. Et le pari est gagné. Sur scène les mecs semblent eux aussi avoir profité de ces instants et des derniers précieux rayons de soleil de ces Nuits. Tout le monde sort de là avec des yeux un peu plus lumineux et avec un léger sourire.

C’est ensuite une prestation inédite et gratuite qui se déroule sur les marches des jardins avec la présence impressionnante de 400 chanteurs et de 50… accordéonistes. La Grande Clameur est un projet qui a trouvé son origine dans le cadre de Mons 2015, capitale européenne de la culture. C’est une petite demi-heure d’une création de Jean-Paul Dessy dédiée à deux grandes figures de l’histoire de Mons (Sainte Waudru et Roland de Lassus) qu’ils vont proposer à un public où se mélangent curieux et amateurs de musique classique au sens large. Les Nuits c’est aussi ce genre de projet aussi risqué qu’ambitieux, avec ce que cela peut avoir de surprenant, qu’on aime ou pas.

Après cette parenthèse retour dans le Chapiteau pour le concert de la jeune (22 ans) belge Tanaë. Avec un EP sous la main et un album qui arrive bientôt (“Talking to myself”), elle vient malgré tout occuper la scène pour une heure. Comme Ykons, elle arrive très sûre d’elle avec ses musiciens et un show qui semble déjà bien rodé. Sous ses airs d’Ariane Grande et de “Barbie Girl” (dont une reprise toute posée et tranquille traîne sur Spotify sur son compte), elle n’est pas là pour faire la potiche écervelée. D’autant que sa voix chaudement soul se fait enivrante avec des mélodies pop qui font bouger les corps, doucement mais sûrement. Elle gère son business avec décontraction, alternant le chant et quelques pas de danse joliment placés et dosés. Puis vient sa reprise de “One Dance” de Drake, reprise qui l’a fait connaître aux yeux des curieux d’abord, et d’un public de plus en plus large et nombreux ensuite. Et c’est finalement dans une chaude atmosphère tranquille mais dansante, comme sur une plage au coucher de soleil, que s’achève son set avec son entêtant “Don’t Go”. Il manquait juste quelques dizaine de degrés et quelques cocktails pour que la fête soit parfaite. Vivement les festivals cet été pour la revoir dans des conditions plus de saison.

 

Pour R.O & Konoba (respectivement DJ et chanteur/musicien) le concert de ce soir pourrait se résumer avec cette petite phrase de “La Terre est Ronde” d’Orelsan : Après avoir fait le tour du monde tout ce qu’on veut c’est être à la maison . Car après avoir parcouru les différentes contrées du globe plus ou moins éloignées (France, Allemagne, Pologne, Portugal, Roumanie, Grèce, Italie, Géorgie, Japon, et Australie) pendant dix mois leur projet qui consistait à enregistrer dix titres dans dix villes différentes aboutit finalement à Bruxelles… enfin presque, mais on en reparlera plus loin. Il y avait déjà eu un tour de chauffe il y a quelques jours à l’Orangerie pour une poignée de privilégiés qui a participé financièrement à la concrétisation de cet ambitieux projet, via la plateforme de crowdfunding de KissKissBankBank.

C’est un chapiteau généreusement garni mais pas complet qui attend donc avec impatience le duo accompagné de ses machines, boîtes à sons et instruments plus “traditionnels”. Le tout avec un décor sobre mais efficace : deux rectangles aux pouvoirs lumineux multiples, tantôt intimistes et tamisés, tantôt blancs et aveuglants, agissant comme des stroboscopes. L’ambiance est donnée, et est à l’image de leur musique : chaude, tranquille et sensuelle. C’est l’entièreté de cet album sobrement intitulé “10” qui sera jouée ce soir. Avec un projet aussi farfelu on aurait pu s’attendre à un grand fourre-tout d’influences musicales et pourtant l’ensemble est foutrement cohérent et ne se perd pas en chemin. C’est donc R.O. qui est à la manœuvre en priorité pour les mélodies et rythmes musicaux, même si Konoba l’accompagne très régulièrement en plus de son chant et de sa voix quasi-angélique. Pas une fausse note malgré des aigus qui s’étirent en échos et des tonalités changeantes. Konoba qui se fendra aussi d’un joli solo de guitare en mode “vapeur d’opium” pour faire planer tout le Chapiteau. On regretta cependant qu’avec une musique qui propose tant de nuances et de fréquences sonores à tendance “vibrante”, il ait manqué une poignée de décibels pour que le voyage multi-sensoriel soit parfait.

Le concert entre doucement dans sa ligne droite finale lorsque les premières notes du titre “I Could Be”, enregistré à Tokyo, se font entendre. Ce titre s’étire sur presque 7 minutes avec une première partie relativement posée et planante comme une mégalopole qui s’éveille, avant de nous embarquer, dans sa seconde partie, pour une folle chevauchée dance qui s’accélère indéfiniment jusqu’au bout des nuits tokyoïtes. Le duo nous offre ensuite un dernier voyage, avec ce tempo et cette voix qui se veulent quasi sexuels sur le titre “On Our Knees”, qui rappelons le constitue leur première collaboration.

En guise de rappel, ils envoient la machine de guerre des dancefloors que constituent le titre “Roll The Dice” enregistré en Roumanie. Et c’est tout un chapiteau enthousiaste qui se met à joyeusement sauter sur les rythmes endiablés envoyés par RO, qui en remettra une couche pour finir en douce apothéose ces belles Nuits. Ils expliqueront ensuite, de manière un peu désolée, qu’il y a eu un souci avec les délais de livraison et de production de leur album qui n’est donc pas disponible ce soir dans sa version définitive mais seulement dans une version promo. Et là ils vont se perdre dans des explications sur le processus de précommande possible où personne n’a compris grand chose au final. C’est donc sur cette phase un peu désordonnée et spontanée qu’ils quitteront la scène sous une ovation méritée au regard de la qualité et de la classe du show qu’ils auront proposé généreusement une heure quart durant.

 

Louise Attaque chantait “Les Nuits Parisiennes” mais les Nuits du Bota n’ont rien à leur envier, elles auront fait vibrer, au propre comme au figuré, tout le quartier quinze jours durant. A l’année prochaine pour de nouvelles surprises, découvertes et confirmations d’une scène belge et internationale aussi qualitative qu’éclectique.

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