C’est pour clôturer l’impressionnante tournée du 13 Tour qu’INDOCHINE avait donné rendez-vous à ses fans au Stade Pierre Mauroy de Lille pour deux concerts. Mais la première de ces deux dates coïncidait également avec l’anniversaire de Nicola Sirkis qui fêtait ses 60 ans ce 22 juin 2019. Autant dire que ce premier concert était plus qu’attendu par les 30 000 acharnés qui ont réussi à se procurer des places, après avoir fait planter les serveurs informatiques des sites de vente durant plusieurs heures. Retour sur une longue et bouillante nuit en territoire Indochinois.

C’est dans sa version couverte que le Stade Pierre Mauroy accueille donc Indochine pour deux soirées. Une fois à l’intérieur, on est surpris par la “petite” taille de la fosse au regard des gradins qui semblent s’élever sans fin. Bienvenue dans le chaudron Lillois ! Ce sont les londoniens de Still Corners qui ont la lourde charge d’assurer la première partie, avec un rock typiquement British et légèrement noisy. Première partie qui aura réussi à susciter un certain enthousiasme et intérêt chez les spectateurs. Ce qui est souvent loin d’être le cas avec le public d’Indochine, réputé pour n’avoir d’yeux/Dieu que leur groupe fétiche. Une fois la première partie achevée, il est temps de doucement passer aux choses sérieuses. En gradin on s’occupe en faisant la Ola.

Vers 20h30, les lumières baissent légèrement et le son des enceintes monte d’un premier cran pour envoyer le titre Release The Pressure du groupe Leftfield. Morceau aux faux airs de macarenas. Ce qui a pour conséquence de faire se lever tous les gradins. A la fin de ce premier titre, c’est cette fois un remix teinté d’indus du titre Strict Machine de Goldfrapp qui est envoyé et qui achève l’échauffement d’un public qui n’en avait de toute façon pas vraiment besoin. Le stade est alors plongé dans le noir, balayé par des faisceaux lumineux rouge qui scintillent au rythme de la musique. La cocotte minute Lilloise est maintenant prête à exploser alors qu’un interminable écran géant de 750 mètres carrés (50 mètres de long sur 15 de haut) s’illumine progressivement sur un fond sonore tout droit sorti d’une station spatiale. Le plafond est quant à lui recouvert de 750 spots (oui oui on les a comptés) qui quadrillent chaque mètres carré du stade.

Le groupe s’installe dans la pénombre en même temps que l’écran géant fait traverser notre système solaire aux spectateurs. Comme sur le reste la tournée c’est le titre Black Sky, issu de l’album 13, qui ouvre le bal. Malgré le côté un peu poussif et lent du morceau, les enceintes déversent du gros son, mais qui n’est pas brouillon, et surtout, la caisse de résonance de cette grande boîte en béton et en métal est maîtrisée. Ouf ! Mais dès le premier refrain de ce titre d’ouverture, lorsque les 30 000 spectateurs se mettent à chanter à gorge franchement déployée, la musique est presque couverte par cet impressionnant chœur. Il en sera ainsi tout au long du concert.

Le groupe passe à la vitesse supérieure dès le second titre, 2033, où Nicola Sirkis tout de noir vêtu, se précipite sur son avancée interminable qui l’emmène au pied des gradins. C’est une explosion de confettis multicolores qui jaillit au même moment. Il va chercher le public qui décolle littéralement avec lui et le suit comme un seul homme. Au niveau des autres membres du groupe, tout est propre, carré et très pro. Mais très vite on comprend que ce soir Nicola Sirkis va se faire plaisir pour son anniversaire. Ce soir c’est son concert ! Les morceaux s’enchaînent avec, pour chacun d’entre eux, un habillage visuel et lumineux particulier. Mention spéciale au titre Miss Paramount et son impressionnante pluie de serpentins sur ses rythmes “punkisant”. Coup de cœur également pour Henry Darger et ses centaines d’enfants qui regardent en direction du public avec des visages fermés tout en faisant les chœurs sur ce morceau. Aussi impressionnant que flippant.

C’est certain que tout ce visuel laisse peu de place à l’improvisation et à la spontanéité. Et pourtant, au bout d’un petit trois quart-heure mené pied au plancher on sent comme un flottement chez Nicola Sirkis. Il se retrouve pris de court à la fin du titre La Vie Est Belle lorsque les autres membres du groupe envoient l’intro du titre Kimono Dans l’Ambulance. Il prononce vaguement les premiers mots du premier couplet, et ensuite plus rien… la musique continue mais lui ne chante pas. Il reste là, la tête baissée sans bouger, en silence. Mais sa chorale à 30 000 voix a déjà pris le relais. Il lui faut attendre le second couplet pour se reprendre et se remettre dedans. Il confie à la fin du morceau qu’il va devoir s’accrocher pour terminer ce concert.

Après un bain de foule bien encadré mais toujours mouvementé sur Tes Yeux Noirs, le groupe envoie l’intro ronronnante du titre Dunkerque issus de l’album Paradize. Sur l’écran géant, un grand drapeau du département du Nord-Pas-De-Calais se déploie. Dans un déluge de guitares et sur une batterie quasi martiale c’est très rapidement qu’une armée de bras s’élèvent au ciel pour se balancer de gauche à droite au rythme des “lalalala” entonnés toujours plus fort par le groupe et le public. Le titre n’avait plus été joué dans cette version depuis plus de 10 ans. Seconde surprise qui arrive derrière avec le titre La 13ième Vague, joué pour la première fois ce soir.

Retour ensuite sur le dernier album avec deux bombes tubesques : Song For A Dream et son magnifique clip, et Un Été Français. Le groupe lance alors l’intro d’un medley-marathon qui allie savamment ancien tubes et morceaux plus récents : Canary Bay, Les Tzars, Paradize, Adora, Belfast et Kill Nico y passe, entrecoupés de breaks technoïdes qui font se soulever la fosse comme une seule vague. Cela fait maintenant une grosse heure et demi que le groupe joue sans vraiment avoir laissé de répit à qui que ce soit.

La salle se retrouve plongée dans le noir mais on voit malgré tout que cela s’agite avec frénésie sur la scène. C’est une véritable armée qui est en train de monter sur scène, en rang. Et de fait, lorsque les lumières se rallument, on découvre l’impressionnant orchestre de La Garde Républicaine Française qui s’est positionné au devant de la scène. Ils entament alors l’introduction du titre phare du groupe au début des années 2000, J’Ai Demandé A La Lune, rejoints rapidement par Nicola Sirkis au chant et par Oli De Sat et Boris Jardel aux guitares. C’est donc une version du titre toute épurée et en douceur qui est proposée ce soir. Indochine s’était déjà risqué, avec pas mal de réussite il faut dire, à l’exercice d’un concert accompagné de l’orchestre philharmonique de l’Opéra d’Hanoi en 2006, à l’occasion des 25 ans du groupe. Ce sont aussi bien d’anciens morceaux des années 80 comme La Chevauchée Des Champs De Blé ou plus récent (enfin tout est relatif) comme Justine qui seront interprétés en compagnie de l’orchestre, une petite demi-heure durant. On notera le bel arrangement “électro-orchestral” de 3ième Sexe, et ses accents de valses tourbillonnantes.

Surprise encore avec l’arrivée sur scène de Lou Sirkis (fille de Stéfane Sirkis, frère jumeau de Nicola, décédé en 1999) pour accompagner tout ce beau monde avec sa guitare acoustique sur le titre Electrastar. Morceau écrit en hommage au frère disparu. L’émotion est palpable et assez prenante lorsque tout le stade se met à chanter le refrain, couvrant tout le reste par sa puissance. A la fin du morceau, Nicola Sirkis est rejoint par sa fille qui lui apporte un énorme bouquet de fleurs dont il ne sait pas quoi faire. On le sent sincèrement surpris, gêné, heureux et embarrassé à la fois, pour une fois que ce n’est pas lui qui est à la manœuvre. La Garde Républicaine se lance au même moment dans une interprétation d’un Happy Birthday repris au quart de tour par un public plus que franchement au taquet. Mais ils ne s’arrêtent pas là, et enchaînent avec une reprise de Life On Mars de David Bowie, artiste phare aux yeux du chanteur. Nicola Sirkis qui ne sait plus où se mettre ou quoi dire, rattrapé par l’émotion de cette succession de surprises.

Le cap des 23h est passé depuis longtemps quand le groupe se lance dans une dernière cavalcade : College Boy et son clip réalisé par Xavier Dolan dénonçant le harcèlement scolaire en premier. Clip qui avait fait polémique en 2013 lors de sa sortie en raison du caractère violent et sans détour de celui-ci. Nicola Sirkis se lâche ensuite sur les vocalises aiguës pour l’intro d’une version XXL de Trois Nuits Par Semaine, ponctuée de pas de danses aussi suggestifs qu’improbables et hilarants, mais le Sieur Sirkis s’en fout royalement et assume pleinement. Le tout s’achevant dans une orgie sonore où tous les musiciens font péter les décibels. L’écran géant nous immerge ensuite au fond d’un océan d’où quelqu’un semble remonter à la surface jusqu’à s’envoler dans les cieux et dans l’espace pour se rapprocher du soleil. Le tout avec un fond sonore qui grossit à chaque instant. C’est une longue montée en tension qui vient s’achever dans une tempête explosive de flashs et de serpentins (encore) pour que Boris Jardel puisse balancer sans ménagement le riff destructeur de L’Aventurier. Une fois encore le chant du public vient couvrir le son des instruments. C’est également une version XXL survitaminée qui est servie à ce moment là. Et on ne baisse pas la garde puisque Cartagène et ses riffs de guitares bien acérés envoyés par Oli de Sat font décoller une fois encore le stade. Et sur le couplet final et sa mélodie épique ce sont des milliers de ballons qui tombent du plafond créant un joli bordel visuel dans les gradins.

Arrive finalement le dernier morceau avec le nouveau single du groupe sorti quelques jours auparavant. C’est Karma Girls avec son esthétique hindouiste et son entêtante mélodie qui viennent achever le concert dans un feu d’artifice coloré digne d’Holy Color. Il est minuit moins dix lorsque Nicola Sirkis chuchote ces derniers mots : “mets ta main dans la mienne et mon corps disparaîtra”. Beautée cruelle ! Le groupe n’aura définitivement pas fait les choses à moitié puisqu’en sortant du stade c’est un vrai feu d’artifice qui est tiré face à des spectateurs aussi enthousiastes que surpris. Nicola Sirkis aura fêté généreusement son anniversaire, quitte à ce que cela puisse paraître légèrement mégalo. A moins qu’il ne s’agisse que d’ambitions pleinement assumées ?

Indochine fait partie de ces groupes qui ne laissent personne indifférent, suscitant autant d’admiration que de haine et de mépris, que ce soit concernant leur style, leur musique, leurs paroles, etc. Mais il faut reconnaître la qualité et le professionnalisme de ce que le groupe propose sur scène : 3h d’un véritable show digne d’une grosse production internationale, sans temps morts, le tout pour une quarantaine d’euros. Et ils ne semblent pas vouloir s’arrêter en si bon chemin puisqu’une rumeur persistante et non-démentie fait état d’un projet d’une tournée pour 2021 où le groupe interpréterait l’ensemble de son répertoire dans chaque ville où il passerait, et cela pour fêter ses 40 ans d’existence. Ambitieux on vous a dit !

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