JADU HEART Ă l’AB : London Calling Bruxelles
« En gros, c’est l’histoire de deux personnages – Dina & Faro – qui subissent un sort dans un temple ». C’est comme ça que le duo en provenance de Londres prĂ©sente les personnages masquĂ©s qu’ils incarnent. Et visuellement ça prend des formes blanchâtres affublĂ©es de cornes ou de grandes oreilles, tout en mangeant des nouilles asiatiques avec des baguettes. Nous voilĂ bien avancĂ©s avec un tableau pareil. Tout ça sent le projet gentiment tordu et inaccessible au commun des mortels et des gens saints d’esprits que nous sommes bien entendu. Et puis on a vu que Mura Masa avait collaborĂ© avec eux il y a quelques annĂ©es. On s’est alors finalement dit que tout cela n’Ă©tait peut-ĂŞtre pas aussi barrĂ© que ça. Nous voilĂ donc au Club de l’Ancienne Belgique oĂą JADU HEART vient prĂ©senter son premier album sorti en 2019.
C’est donc une soirée en forme de cabinet des curiosités qui s’annonce. Et ça commence fort avec Becky and the birds : duo composé d’un guitariste/claviériste/arrangeur et d’une chanteuse. Cette dernière se pointe sur scène vêtue d’un accoutrement tout droit sorti d’une orgie romaine, avec un chapeau à plume duquel pendent des fils blancs qui vont jusqu’à ses pieds. Bon, jusque là rien de bien surprenant, si ce n’est que cela nous fait penser à une pieuvre. Élégante mais une pieuvre tout de même. Et lorsqu’elle commence à chanter c’est parti pour une demi heure de vocalises que jalouseraient Mylène Farmer et Mariah Carrey. Le souci c’est qu’elle ne sort pas de ce registre lancinant qui devient rapidement lassant et prévisible. Conclusion : des applaudissements polis et puis c’est tout. Ce n’est pourtant pas mauvais d’un point de vue arrangements musicaux et technique vocale. Mais dispensable.

Place ensuite Ă Jadu Heart, duo tĂŞte d’affiche de la soirĂ©e. Duo qui s’est muĂ© en trio sur scène, avec l’appui d’un batteur en fond de scène. On retrouve Ă©galement deux espèces de totems tribaux au sommet desquels trĂ´nent les fameux masques dĂ©crits plus haut. Et c’est donc Ă visage dĂ©couvert qu’Alex Headford et Diva Jeffery se prĂ©sentent Ă nous. On les retrouve Ă chaque extrĂ©mitĂ© de la scène oĂą toute une sĂ©rie de machines, paddles et claviers sont disposĂ©s. Lui joue Ă©galement de la guitare, et elle de la basse. Et ça commence tranquillement avec le titre “The Cure” et ses douces notes aux sonoritĂ©s de ukulĂ©lĂ©. Mais très rapidement ils nous font plonger dans les mĂ©andres de leurs influences diverses avec un instru carrĂ©ment Ă©lectro aux beats dĂ©structurĂ©s, sur fond d’une grosse basse ronronnante.

Parlons justement de leurs influences : multiples, variĂ©es, riches et surtout complĂ©mentaires sans jamais ĂŞtre bordĂ©liques. On nage en eaux troubles (mais rien d’inquiĂ©tant lĂ -dedans) entre le rock, la pop, l’électro, le trip-hop et diverses influences de musiques urbaines. A l’image de Londres, leur ville d’origine : cosmopolite et ouverte, sans renier la longue histoire d’amour du peuple British avec la musique pop-rock dont il est le berceau. Alex et Diva se partagent le chant, en solo et en duo. Son timbre de voix Ă elle est chaud et doux Ă la fois, ce qui s’accorde parfaitement avec les nappes de synthĂ©s. Lui se veut plus tendu et plus habitĂ© dans son chant. Comme lorsqu’il s’empare de sa guitare pour descendre dans le public. Descente qu’il rĂ©itère plus tard dans le concert mais cette fois sans guitare. Tout ça lui donne des petits airs de Pete Doherty, en bien moins destroy cependant. Et dans le public ça danse et ça ne reste pas insensible Ă ce savant melting-pop d’influences dont l’Ă©quilibre est trouvĂ© avec finesse et intelligence.

La partie principale du concert s’achève avec le titre “Dead, again” qui commence tranquillement avec une guitare aux sonoritĂ©s acoustiques pour ensuite devenir une douce tempĂŞte Ă©lectrique. Ce titre est une petite merveille que n’aurait sĂ»rement pas reniĂ© un groupe comme Suede et dont les riffs de guitares jubilatoires nous font penser au titre “Yellow” de Coldplay, en plus nerveux. Pour le rappel, ils reviennent sur scène avec un ironique “surpriiiiise”, comme si personne ne s’y Ă©tait attendu. Eclat de rire gĂ©nĂ©ral. Ils envoient alors la jolie ballade Ă©lectro-acoustique entĂŞtante “Another Life” et ses chĹ“urs qui se rĂ©pètent Ă l’infini pour finir en version accapela. Le batteur en a profitĂ© pour enfiler un masque d’iguanodon sans que personne n’ait vraiment compris pourquoi, suscitant une certaine hilaritĂ© sur scène. Le titre “I”m a kid” vient conclure l’affaire sur une note plus disco que l’on avait pas entendue jusque lĂ , rajoutant une dernière pincĂ©e d’influences Ă leur musique.

Avant le concert on ne savait pas vraiment trop Ă quoi s’attendre, on en est ressorti avec le sentiment agrĂ©able d’avoir assistĂ© Ă une performance finalement plus accessible que ce que l’on aurait pu redouter au premier abord. Une dĂ©couverte vraiment intĂ©ressante qui mĂ©rite une exploration en profondeur de sa discographie. L’exportation des groupes anglais est toujours aussi quantitative que qualitative. Qu’il en soit ainsi encore longtemps !
