Grosse baston sonore au Botanique avec …AND YOU WILL KNOW US BY THE TRAIL OF DEAD

Un quart de siècle dĂ©jĂ  que les texans partent Ă  l’assaut des scènes du monde entier pour balancer sauvagement leur post-hardocre. La formule a fait ses preuves et fonctionne toujours : des guitares saturĂ©es et bien vĂ©nères, une batterie qui bastonne ferme dans tous les sens et voilĂ  l’affaire rĂ©glĂ©e. Et pourtant de cette Ă©nergie brute de dĂ©coffrage et dĂ©bridĂ©e se dĂ©gage des mĂ©lodies que certains qualifieront de bruits et de dissonances. Ce n’est pas notre cas et le concert est annoncĂ© complet depuis plusieurs jours. Le genre de musique et de concerts rĂ©servĂ©s Ă  un public qui prend du plaisir Ă  recevoir des claques dans la face. On a donc passĂ© notre vendredi soir Ă  se faire sauvagement remuer dans tous les sens dans La Rotonde. Et on s’est pris une bonne raclĂ©e !

C’est le quĂ©bĂ©cois Alex Henry Foster et son groupe qui lancent la soirĂ©e Ă  20h. ThĂ©oriquement cela devait durer 45 minutes… mais cela va durer finalement une heure. Et tant mieux ! Il nous a rarement Ă©tĂ© donnĂ© d’assister Ă  une première partie si longue, tout en relevant très haut la main le dĂ©fi de garder le public attentif, sans que celui-ci n’aille se ravitailler au bar. Au programme : 4 morceaux d’un quart d’heure chacun, dans une veine post-rock atmosphĂ©rique et progressif, galopant Ă  pleine foulĂ©e sauvage, avec un light show très soignĂ© et loin d’être minimaliste. Les morceaux sont jouĂ©s le plus souvent Ă  3 guitares, et une claviĂ©riste vient y poser des ambiances de sombres westerns crĂ©pusculaires. Le leader du groupe chante avec une voix aussi habitĂ©e que Craig Walker d’Archive sur le mythique « Again », quand ça ne part pas tout simplement en incantations. Le dernier titre est une guerre totale avec un impressionnant final Ă  deux batteries (oui ils ont squattĂ© la batterie d’And You Will Know…). C’est monstrueux mais jamais bourrin. On vous encourage plus que vivement et fermement Ă  aller Ă©couter et voir ça en concert. Ils seront de retour en Belgique le 4 juin au Trix Ă  Anvers ! VoilĂ  qui est dit.
 
 
Tout cela engendre un certain retard dans le timing initial et il est 21h30 lorsque la lumière s’Ă©teint et que des murmures inquiĂ©tants se font entendre, accompagnĂ©s d’un orgue aux sombres sonoritĂ©s. Une guitare Ă©merge alors doucement de cette ambiance, avec un riff hypnotique qui grandit et se durcit de manière inĂ©luctable. La Rotonde est surblindĂ©e et manifeste bruyamment son impatience. Les membres d’ …And You Will Know Us By The Trail Of Dead montent sur scène un par un. Le son est abrasif, brut, crasseux, rugueux et blindĂ© d’effets de flanger sur les guitares. Le chant se veut parfois hurlant et pas toujours très juste. Mais cela n’est pas bien grave, parce qu’en quelques secondes le groupe ressuscite les dernières heures du grunge, du punk et d’un rock sans concession en provenance des annĂ©es 90. D’ailleurs quelques titres auraient pu devenir de vĂ©ritables hymnes punk. Et lorsque le chaos s’estompe ce n’est que temporaire, le temps d’une mĂ©lodie aux synthĂ©s ou Ă  la guitare, avant de repartir de plus belle.
 
 
…And You Will Know Us By The Trail Of Dead est un groupe qui, sur papier, n’aurait jamais du fonctionner. Trop inclassable, trop brut de dĂ©coffrage, trop dĂ©rangĂ©, et puis c’est quoi ce nom !? Il suffit de les regarder sur scène Ă  martyriser intensĂ©ment leurs instruments respectifs pour s’en faire une petite idĂ©e : le bassiste se planque dans sa chevelure tout en se balancant continuellement de manière psychotique de gauche Ă  droite. Le claviĂ©riste en fait de mĂŞme, et se fait un petit selfie tranquillement entre deux chansons. Deux batteurs-guitaristes intervertissent rĂ©gulièrement leurs places durant le concert. Il y en a un qui est du genre massif et qui se charge aussi du chant sur les titres les plus punk, au point d’aller pogotter avec le public le temps d’un morceau. Mais c’est le second gaillard qui retient le plus notre attention : il est “Ă©pais comme un sandwich SNCF” (pour reprendre les paroles de Renaud) et nous fait penser Ă  un geek mal dĂ©grossi avec ses petites lunettes. Sous son air chĂ©tif, il se met rĂ©gulièrement Ă  pèter des plombs sans prĂ©venir, au point de casser la sangle de sa guitare et d’envoyer voler cette dernière en direction du batteur pour sonner la fin de la partie sur le dernier titre. Ce n’est pas passĂ© loin. Finalement le chanteur-guitariste est peut-ĂŞtre celui qui semble ĂŞtre le plus saint d’esprit, ou alors le moins dĂ©rangĂ©, selon le point de vue. Ce groupe n’aurait donc dĂ©finitivement jamais dĂ» survivre et traverser les dĂ©cennies, mais pourtant cela dure depuis 25 ans. L’occasion pour eux, lors du rappel, de retourner aux origines du mal pour interprĂ©ter le tout premier morceau de leur premier enregistrement en 1995 : “Mistakes and Regrets”. Titre qui sonne finalement comme ironique et prend des airs de “fuck you, on est toujours lĂ  !”.
 
 
On assiste en cours de set Ă  un petit temps mort imposĂ© par le bassiste, histoire d’arrĂŞter un dĂ©but d’embrouille dans le public. Il s’assure que tout le monde est cool et ça repart avec un pogo bien viril au centre de la fosse. Ailleurs dans le public cela y va allègrement sur la pratique du “head banging”. Et c’est donc dans un dernier fracas de guitare qui traverse la scène dans les airs pour aller s’Ă©craser sur la batterie, et dans une tempĂŞte de larsen, que s’achève un set d’une bonne heure-et-demi. Le groupe quitte la scène avec un air satisfait face au bordel qu’ils ont mis dans La Rotonde ce soir. Il ne nous reste plus qu’Ă  retrouver le calme et le silence pour laisser nos tympans se reposer et se remettre de cette tempĂŞte et cette dĂ©bauche d’Ă©nergie rock’n’roll, dans ce que cela a de plus jubilatoirement tumultueux. En tout cas, on ne regrette pas notre soirĂ©e “guitares hurlantes” qui aura, en plus, Ă©tĂ© marquĂ©e par une très belle dĂ©couverte en première partie.
 
 
 
SETLIST – BOTANIQUE – 28 fĂ©vrier 2020
 
The Opening Crescendo
All Who Wander
Into the Godless Void
Isis Unveiled
Don’t Look Down
Children of the Sky
How Near How Far
Bells of Creation
Let It Dive
Worlds Apart
Weight of the Sun (Or the Post-Modern Prometheus)
Ebb Away
Homage
Clair de Lune
Caterwaul
Will You Smile Again?
Relative Ways
RAPPEL
Mistakes & Regrets
Another Morning Stoner

Écrit par Jean-Yves Damien