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Interview OZFERTI : « C’est important de continuer à faire les choses de manière traditionnelle »

Daft Punk ne donnant plus signe de vie, nous sommes à la recherche de la nouvelle sensation musicale masquée (ou casquée)! Il se pourrait bien qu’on l’ait trouvée avec le français OZFERTI. Il a sorti son premier album nommé « Solarius Gamma » ce vendredi 13 mars. Il nous y propose un voyage aux confins de l’Afrique de l’Est avec un riche melting-pot d’ambiances éthiopiennes, érythréennes, nigériennes mélangées à des éléments de musique électronique, jazz, hip hop et bass. Début de mesures de confinement oblige et mise en quarantaine d’un de nos rédacteurs (qui est en bonne santé aujourd’hui), nous n’avons pas eu l’occasion de nous rendre à la « release party » qu’il avait organisé au Botanique quelques jours avant. Nous nous sommes donc adonnés à une activité très à la mode actuellement du coup : l’interview par vidéoconférence. Une autre manière d’aller à la rencontre du personnage et de son univers singulier, entre sons et images d’horizons multiples.

SCENES BELGES : Peux-tu nous expliquer en quelques mots la genèse du projet OZFERTI ?

OZFERTI : Cela fait un peu plus de 10 ans que je fais du son au sein de la scène « world-fusion » au sens large du terme. J’ai été clarinettiste, compositeur, chanteur dans différents groupes. C’était vraiment en tant que musicien et pas producteur à cette époque. Le projet OZFERTI est né fin 2015 quand j’ai commencé à bosser sur des remix de musiques éthiopiennes orientées vers l’éthio-jazz, notamment Mahmoud Ahmed, et tous les morceaux qu’on peut trouver sur les compilations « Ethiopiques ». C’est vraiment parti de là, avec tout le travail de déconstruction/reconstruction et réinterprétation des morceaux.

SCENES BELGES : Et le nom OZFERTI ?

OZFERTI : Il n’y a pas de signification particulière. Je suis illustrateur de formation, et je travaille beaucoup par collages de sons et d’images. La sonorité du nom collait bien avec tout ça, comme une sorte de gros mélange qui se retrouve beaucoup dans ma musique. Au fur et à mesure, j’ai développé un personnage en lien avec tout ça. Mais à la base je faisais de l’électro pour m’amuser, et le projet s’est développé progressivement avec notamment une compilation de remix.

SCENES BELGES : Pourquoi un masque et quelle signification ?

OZFERTI : J’ai pas mal bougé en Asie, en Afrique Noire et au Maghreb. Le masque est venu en cours de projet, à force de vouloir créer un personnage qui symbolise tout l’univers que je voulais mettre en place. On y retrouve deux paires d’yeux, mais il va évoluer dans le temps et se développer.

SCENES BELGES : Ton album « Solarius Gamma » est sorti le vendredi 13 mars 2020, qui plus est dans un contexte très particulier. Un hasard ?

OZFERTI : Il va y avoir une histoire autour de ça, c’est certain ! La sortie initiale était prévue quelques mois avant, mais je n’aurai pas pu proposer quelque chose de complètement peaufiné.

SCENES BELGES : Le choix d’une sortie « physique » (CD et vinyle) et pas uniquement sous forme de streaming et de mp3, c’était un choix ?

OZFERTI : Ça a directement été proposé par le label. Ça me semblait assez cool, d’autant plus que je n’avais jamais rien sorti sous un format physique avec ce projet où il y a déjà eu 5 EP. Et ça collait parfaitement avec mon travail d’illustrateur et j’ai vraiment pu bosser sur le packaging. J’ai vraiment envie d’en faire une trilogie avec trois albums physiques, comme une bande dessinée. J’espère que j’arriverai au bout du délire, même si on est dans une époque où la musique devient immatérielle avec comme conséquence que le marché du streaming est saturé. C’est important de continuer à faire les choses de manière traditionnelle. C’est quelque chose qui me tient à cœur pour aller au bout du projet, avec une trace physique. 

SCENES BELGES : Comment on en arrive à aller chercher ces influences de l’Afrique Noire ?

OZFERTI : Mon père est un grand fan de « black music » et j’ai eu la chance de beaucoup voyager quand j’étais gamin. Et cela continue à faire partie de ma vie. Cette ouverture sur la musique de l’Afrique de l’Est s’est précisée  par la suite avec l’idée de chaleur, de sincérité et de libération du propos que l’on retrouve très fort dans cette musique. Des choses que l’on a peut-être perdues et oubliées en Europe où tout est très catégorisé. Il y a beaucoup de compositions expérimentales qui se font là-bas, et qui sont bien plus modernes que ce qui se fait encore à l’heure actuelle en Europe. La musique Éthiopienne m’ a vraiment intriguée et je me sens comme à la maison quand j’écoute ça.

SCENES BELGES : Et tu as donc été sur place pour enregistrer les morceaux ?

OZFERTI : Oui je suis allé là-bas pour enregistrer. Je ne voulais plus me contenter de samples uniquement. Je voulais me frotter à la réalité de terrain, aller à la rencontre de chanteurs, de musiciens locaux et traditionnels. Ces gens m’ont également aidés dans certains domaines pour la composition des titres. Ça faisait partie de la démarche. Je suis venu y ajouter mes guitares, mes claviers une fois rentré en Europe.

SCENES BELGES : Parle nous un peu de la pochette et de sa symbolique.

OZFERTI : Il y a deux ambiances et c’est conçu comme une illustration. En gros, c’est un peu les deux faces de l’album avec le coté très solaire que l’on retrouve à l’arrière de la pochette, et le coté un peu plus sombre et mystérieux que l’on retrouve sur certains morceaux qui est mis en évidence sur la pochette avant. C’est là que j’ai envie d’emmener l’auditeur : quelque chose d’un peu spatial, sombre et solaire en même temps. Il y a énormément d’éléments symboliques morcelés et un peu chaotiques qui s’y retrouvent : des morceaux d’églises orthodoxes, des stellas qui sont des obélisques que l’on retrouve beaucoup en Ethiopie, tout en mêlant des symboles plus tribaux et en lien avec la science-fiction. Et le titre « Solarius Gamma » est la galaxie où je situe l’univers d’Ozferti.

SCENES BELGES : Tu parles du fait que tu es illustrateur de formation, et que dans ce projet tu réalises tout, y compris les clips et supports visuels animés. Comment cela se déroule, notamment pour le clip d’ « Hagir Fikir » ?

OZFERTI : Hagir Fikir c’est le plus vieux théâtre indigène d’Ethiopie qui se trouve à Addis-Abeba (ndlr : Capitale de l’Ethiopie). Etenesh Wassié, qui chante sur ce morceau est issue de ce théâtre. Du coup j’ai eu envie de mettre en scène une sorte de bâtiment perdu au milieu du désert qui ressemble un peu à un théâtre futuriste. Je voulais vraiment la mettre en avant comme une prêtresse. C’est un mélange entre le côté traditionnel de l’Ethiopie et l’aspect futuriste de « Solarius Gamma », sans scénario précis.

SCENES BELGES : Et en concert, comment ça se passe ?

OZFERTI : Maintenant je bosse avec un claviériste et un percussionniste, ce qui n’était pas le cas avant mais c’est une formule a géométrie variable. Le but final reste d’intégrer des gens qui connaissent ces genres de musiques. Il y a beaucoup de connexions possibles. L’Ethiopie c’est le Nil, ça remonte jusqu’en Egypte. Il y a aussi des liens avec la musique du Maghreb. L’objectif final ça serait de pouvoir intégrer des chanteurs, et même des danseurs traditionnels, en plus des supports vidéos déjà présents.

SCENES BELGES : Pour finir, et période confinement oblige, est-ce que tu as une découverte ou un coup de cœur musical à partager avec nos lecteurs pour occuper leurs soirées ?

OZFERTI : Oui, il y a l’album « Curtis » de Curtis Mayfield qui est incroyable. C’est une redécouverte pour moi. C’est un album qui est parfois considéré comme le « Sergent Peper » de la Soul. Il n’y a que des hits dessus. Kanye West a repris énormément de choses sur cet album pour ses compositions.

POUR PLUS D’INFORMATIONS SUR CET INTRIGUANT PERSONNAGE, CA SE PASSE PAR ICI :

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Mais rien ne vaut un bel objet réel !

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