Dans la suite de notre marathon de rencontres avec les artistes présents à l’Inc’Rock Festival XS 2020, nous avons également été à la rencontre du très prolifique KONOBA (le compte-rendu de son concert se trouve ICI). Prolifique artistiquement parlant, mais pas que : posez lui une seule question et le garçon vous embarque avec lui dans un flux continu de paroles aussi passionnées qu’enthousiastes et empreintes de sérénité. Mais Konoba est aussi en colère. Une colère qu’il met au service de la défense du monde culturel qui traverse une tempête sociale et économique inédite avec le Coronavirus. On vous invite à nous suivre dans le récit de cette discussion qui, planning de festival oblige, était forcément trop courte.

 
 
 
Scènes Belges : Bonjour Konoba. Ces derniers mois ont été marqués par le confinement et ensuite le déconfinement qui est toujours en cours. Comment as-tu vécu ces moments ?
 
Konoba : Je suis quelqu’un qui a tendance à être hyperactif.  Cela fait 5 ans que j’ai enchaîné les projets sans m’arrêter : sortir des compos, voyager, tourner, etc. Je ne me suis pas donné beaucoup de temps pour respirer. Là, c’était une sorte de break forcé. Au début j’étais super déçu, ma tournée en Turquie qui était prévue depuis des mois a été annulée. On s’y préparait depuis longtemps et tout est tombé à l’eau. C’était une claque. Les premières semaines j’étais toujours dans mon mode hyperactif, je me suis mis pas mal de challenges : la première semaine j’ai fait un morceau et un clip entier (NDLR : le titre “In The Mirror”), la deuxième semaine j’ai enregistré plein de sons et la troisième semaine je faisais une reprise acoustique tous les jours.  Et après trois semaines, j’ai pris du temps pour moi et pour me reposer tout en continuant à travailler tout doucement sur mon prochain album solo qui avance bien.
 
 
Je suis privilégié. Certains artistes, qui travaillaient depuis longtemps sur des albums et de tournées ont vu leurs projets tombés à l’eau pile quand ils allaient tout lancer, ça coïncidait malheureusement avec le début du confinement.  Je dit que je suis privilégié car j’ai la chance d’avoir fait le projet “10” avec R.O. en 2018, on a tourné en 2019, on devait finir la tournée en 2020 avec le dernier quart de tournée. On a perdu ça, mais on a eu tout le reste avant et finalement, cela tombe à un moment qui ne fait que précipiter l’étape suivante du prochaine album.
 
 
Scènes Belges : Tu as malgré tout eu l’opportunité de faire un concert au sein de l’Abbaye Villers-la-Ville cet été (NDLR : notre compte-rendu de ce concert est à lire ICI). Peux-tu nous raconter comment ça s’est passé ?
 
Konoba : C’était particulier, je n’avais jamais joué comme ça tout seul, dans un contexte inédit. C’était un concert un peu à part. Ce que j’aime, ce sont les concerts qui sortent du lot. Tu vas enchaîner 50 concerts et tu n’as pas forcément envie que chaque concert soit le même. Le public ressent ça aussi : quand il ressort d’un concert et qu’il a l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique, un moment privilégié. Il s’en souvient beaucoup plus et il a un attachement émotionnel beaucoup plus fort, et moi aussi d’ailleurs.
 
A Charleroi, l’année dernière avec R.O., on a eu un gros problème technique au milieu du concert et j’ai dû meubler pendant 10 minutes à faire des morceaux acoustiques, à faire chanter les gens, raconter des histoires.  Le public a trouvé ça génial, ils ont bien vu que ce n’était pas prévu et c’était drôle, on a passé un chouette moment ensemble.  Le reste du concert s’est passé super bien une fois le souci fut réglé. Les gens s’en souviennent parce qu’il y a eu quelque chose de magique.
 
J’ai aussi joué au Rideau Rouge à Lasne il y a quelques années.  Il y avait trois groupes qui jouaient, et nous étions le troisième. Les deux premiers concerts s’étaient très bien passés. Dix secondes après que l’on soit monté sur scène il y a eu une coupure de courant généralisée dans tout le quartier. Comme on ne savait pas combien de temps ça allait durer, on s’est mis au fond de la salle au piano, on a allumé des bougies et sorti les guitares acoustiques. On a fait le concert en “unplugged” complet.  Ce n’était pas répété, pas prévu. Les gens étaient assis, autour des bougies. On m’en reparle encore souvent. C’était un moment particulier.  Et Villers c’est un peu ça aussi : le contexte bizarre de COVID, début juillet, c’était la première fois que je jouais seul depuis des années, le cadre magnifique qui a fait un moment fort dont je me souviendrai et j’espère que le public aussi.
 
Scènes Belges : En plein confinement tu as également participé au Swipe Up Festival au Palais 12. C’était particulier de jouer dans cette grande salle vide ?
 
Konoba : Je n’aime pas trop les concerts “streaming”, je ne les regarde pas car ça m’emmerde.  Je n’avais pas voulu en faire au départ. Moi qui n’aime pas ça, pourquoi j’allais en jouer un ? Mais l’équipe du Swipe Up avait des arguments : ils m’ont séduit car ils faisaient ça au Palais 12, avec une super équipe photo, vidéo, lumière. L’expérience était vraiment chouette. C’était fou de jouer dans une salle énorme, sans public, avec cet espace énorme autour de toi qui résonne.  Cela m’a forcé à préparer mon set tout seul pour le festival, pour Villers et pour ce soir à l’Inc’Rock.
 

 
 
Scènes Belges : On t’a vu aussi très actif sur les réseaux sociaux pour défendre la musique francophone en Belgique. On sent quelque chose qui est de l’ordre de la colère au niveau des artistes, voir même d’aigreur vis-à-vis de la situation actuelle.  Qu’est-ce qui t’a amené à cette démarche engagée ? 
 
Konoba : C’est un long processus.  On était en plein confinement et je voyais que le milieu culturel souffrait.  C’est un milieu qui est déjà à la base relativement précaire : ce sont des gens qui n’ont pas forcément de statut, qui travaillent dur, font des horaires compliqués, … Il y a toute une série de corps de métiers là-dedans qui sont touchés directement. On s’est vite rendu compte que toute cette industrie n’était pas prise considération dans les mesures de soutien face à la crise.  Moi je suis indépendant donc j’ai de la chance, j’ai bénéficié de certaines aides mais ce n’est pas le cas de nombreux de mes collègues qui souffraient et n’avaient rien pour nourrir leur famille.  Je me posais la question : Pourquoi ? Est-ce qu’il y a une bonne raison ? Est-ce qu’économiquement j’ai tort de soutenir la culture ? Est-ce que les artistes feraient mieux de faire autre chose ?
 
Et la phrase de Sophie Wilmès “Je sais que les artistes ont besoin de s’exprimer” a mis le feu aux poudres.  On attendait une réponse du gouvernement, quelque chose qui montrait qu’on était pris en considération et que quelque chose se décidait.  Et le fait qu’elle dise ça, cela signifiait, dans la tête des politiques, que c’était un besoin égoïste de vouloir se montrer, s’exprimer, alors que ce n’est pas du tout ça.  Dans le milieu de la culture on retrouve beaucoup de gens qui bossent 70 heures par semaine. On parle aussi de centaines de prestataires de service qui bossent dans ce milieu-là.  Ce n’est pas une question de s’exprimer, c’est une question de bosser pour nourrir sa famille et payer son loyer. C’était très insultant.  J’ai essayé de contribuer comme je le pouvais à faire passer le message, faire comprendre qu’il y avait un souci, et à venir en aide au secteur culturel.
 

 
Scènes Belges : Tu t’es donc positionné, comme d’autres artistes, pour revendiquer l’imposition de quotas de diffusion plus important sur les radios pour les artistes issus de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
 
Konoba : Je comprends que, de demander de l’argent à l’état, ce soit vu comme une charge pour la société. Mais il faut aussi voir l’impact que cela peut apporter aussi à la société : La culture c’est 5% du produit intérieur brut en Belgique. J’ai voulu proposer une solution qui ne coûtait rien :  les quotas dans les médias, les radios.  J’ai vu que cela se faisait en Flandre, en France, au Québec, … Déjà, c’est une concurrence déloyale : on parle de compétitivité mais en Fédération Wallonie-Bruxelles on est anti-compétitif car un artiste étranger a les mêmes chances qu’un artiste belge dans les médias francophones, là où un artiste de chez nous démarre avec moins de chance à l’étranger. Pourquoi ne pas faire ça ici ? Cela se fait dans tellement de pays où la culture est super développée, ça marche et ça rapporte beaucoup,  Quel est le blocage ? Je m’y suis intéressé et j’ai parlé à plein de gens et tout le monde m’a dit “on ne sait pas pourquoi c’est refusé.  On se bat depuis des années pour que cela se fasse et on nous dit non depuis des années et on ne sait pas vraiment pourquoi”. 
 
Avec environ 50 artistes, on a fait toute cette action pour proposer cette solution à travers une vidéo qui a été partagée et entendue mais rien ne s’est produit.  Aucun quota alors que, pourtant, cela me semble être un cercle vertueux : cela fait plus de droits d’auteur, de visibilité, de ventes de places de concert. Tout ça est réinjecter dans l’économie réelle, dans la culture belge qui en a besoin.  Et cela permet à ces projets de se développer et d’avoir du succès à l’étranger ce qui va rapporter de l’argent à la Belgique plutôt que de voir cet argent fuir le pays. Je ne comprends toujours pas où le blocage se passe.
 
 
Scènes Belges : Pour en revenir à ta situation plus personnelle et de ton futur, tu parlais tout à l’heure de ton album solo, est-ce qu’il y a d’autres choses dans les cartons ? 
 
Konoba : Non, je me marie l’été prochain donc c’est mon gros projet de vie pour les prochaines mois.  Mais je prends le temps de travailler sur mon nouvel album, je reviens aux sources. J’ai dû faire beaucoup de choses dans la rapidité avec R.O. sur le projet “10” car on était en voyage, avec des chansons qui dépendaient très fort de l’électronique et de la production parfois. Ici je prends le temps de revenir au piano, à la guitare, pour écrire de belles chansons.  Je prends vraiment le temps de composer, d’enregistrer et je me concentre vraiment là-dessus, on verra ce qui en sort.
 
Il ne nous reste donc plus qu’à déjà transmettre tous nos vœux de bonheur aux futurs mariés et à patienter sagement en attendant la suite des explorations musicales de KONOBA.

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