Interview VIDEOCLUB: “On a peur de perdre les moments passés”
On vous avait dĂ©jĂ parlĂ© du duo français de VIDEOCLUB qui avait donnĂ© un concert complet et fougueux au Botanique en janvier passĂ© (notre compte-rendu est Ă lire ICI). Mais lĂ oĂą les choses deviennent plus exceptionnelles c’est quand on regarde les chiffres de streaming et de vues YouTube alors qu’ils n’ont mĂŞme pas 20 ans. Pour rĂ©sumer la chose, disons qu’ils n’en sont plus Ă quelques millions près. Et oui, l’Ă©poque oĂą le poids d’un artiste Ă©tait Ă©valuĂ© en fonction de ses ventes physiques semble bel et bien rĂ©volu. C’est maintenant le digital et le virtuel qui sont devenus les nouveaux indicateurs. Cela n’empĂŞche pas VidĂ©oclub de sortir ‘Euphories”, son premier album, ce 29 janvier en cd, vinyle et cassette. De quoi ravir les nostalgiques des annĂ©es 80. Un peu comme leur musique qui marie la pop colorĂ©e et innocente des eighties avec les influences et prĂ©occupations d’une jeunesse 2.0, Ă ce moment charnière entre sortie de l’adolescence et entrĂ©e dans la vie d’adulte. On en a profitĂ© pour un peu discuter avec Adèle Castillon, la voix du duo.
Scènes Belges : Bonjour Adèle, dis nous un peu comment tu vas alors que le premier album de Vidéoclub va sortir ?
Adèle : C’est un mĂ©lange de plein d’Ă©motions : le stress, l’angoisse, l’excitation, les interrogations. Tout ça se mĂ©lange. Mathieu (NDLR : compositeur et multi-instrumentiste du duo) est beaucoup plus calme, il ne se pose pas trop de questions, il est content de son album. Moi c’est l’inverse, je me demande si les gens vont aimer ou si ils vont ĂŞtre déçus. Je suis très fier de cet album et j’ai Ă©videmment hâte que les gens puissent l’Ă©couter.
Scènes Belges : Ça fait quoi de sortir un premier album à même pas 20 ans ?
Adèle : C’est pas la vie que j’imaginais mais c’est la vie dont je rĂŞvais. Je ne pensais ĂŞtre capable de faire ça un jour. J’espère qu’on ne s’arrĂŞtera pas lĂ bien sĂ»r. C’est une vraie chance. On a pas envie de faire n’importe quoi avec toutes ces opportunitĂ©s. Parfois je me sens comme un imposteur en me demandant si je mĂ©rite vraiment tout ça. Je me sens reconnaissante quand je rencontre le public et que je vois tout ce qu’il nous apporte. Et je serai Ă©ternellement reconnaissante de ça. Ces gens nous donnent du crĂ©dit, ils paient pour aller voir nos concerts. J’espère qu’on ne s’y habituera jamais.
Scènes Belges : Justement en parlant de concert, il y a un an vous avez donnĂ© un concert complet au Botanique Ă Bruxelles alors que vous n’aviez que 5 morceaux de sortis. Quel souvenir tu en as gardĂ© ?
Adèle : Ce n’est pas pour vous flatter, mais c’est un des concerts qui m’a le plus marquĂ© de ma vie. Notre tourneur nous avait dit que le public belge Ă©tait très rĂ©actif et donnait beaucoup d’Ă©nergie. Du coup j’Ă©tais hyper anxieuse, en plus un de nos synthĂ©s nous avait lâchĂ© quelques minutes avant le concert. Il avait fallut trouver une solution de secours en empruntant celui de la chanteuse qui faisait notre première partie. On arrive sur scène un peu en retard du coup, et on a eu un accueil de feu dès les premières notes. C’est vraiment un des concerts qui m’a confortĂ© dans l’idĂ©e que c’Ă©tait ça que je voulais faire toute ma vie. Quand on a jouĂ© “Amour Plastique”, il y avait quelques filles dans le public que je regardais depuis la scène, et je les voyais vivre et chanter le morceau comme si c’Ă©tait le meilleur moment de leur vie. C’Ă©tait un moment magique et vraiment un très très beau concert.
Scènes Belges : Revenons un peu Ă la sortie de l’album, pourquoi cette orientation tournĂ©e vers les annĂ©es 80 ?
Adèle : Je pense qu’on est une gĂ©nĂ©ration un peu frustrĂ©e de ne pas avoir connu cette Ă©poque mythique dont tout le monde nous parle, qu’on voit dans les films et qu’on retrouve beaucoup dans la musique actuelle, avec des artistes comme The Weeknd ou Dua Lipa. Quand j’ai rencontrĂ© Mathieu, j’Ă©tais un peu dans le dĂ©lire de cette pĂ©riode, et lui aussi : il avait un walkman, la première fois que je suis allĂ© chez lui on a regardĂ© Titanic en VHS avec une tĂ©lĂ© cathodique. Je me suis demandĂ© c’Ă©tait qui c’Ă©tait OVNI, mais j’aimais bien ce dĂ©lire. On a un goĂ»t prononcĂ© pour les musiques de cette Ă©poque : New Order, les Smiths. Mathieu adore les Doors aussi. Et en mĂŞme temps on est très ancrĂ© dans notre Ă©poque lorsqu’il s’agit de faire de la musique. On a donc cette double approche rĂ©tro et moderne Ă la fois.
Scènes Belges : Au niveau des textes, on sent quelque chose qui est un peu de l’ordre de la nostalgie, qui appartient Ă l’ordre du passĂ©. Comment on fait pour ĂŞtre nostalgique Ă 20 ans ?
Adèle : Avec Mathieu on a vĂ©cu des moments d’euphories très intenses, soit en concert, soit ensemble, soit avec des amis. D’oĂą le titre de l’album. On a peur de ne plus revivre ces moments-lĂ . Quand on a fait cet album, c’Ă©tait une grande pĂ©riode de remises en questions et de changements importants dans nos vies : on a quittĂ© l’Ă©cole, nos amis sont partis vivre ailleurs pour continuer leurs Ă©tudes. C’Ă©tait une pĂ©riode transition oĂą on Ă©tait stimulĂ© par ce qui nous arrivait tout en ayant peur de s’y perdre. On a peur de perdre les moments passĂ©s. Mais on essaie malgrĂ© tout de vivre Ă fond sans se poser de questions.
Scènes Belges : Vous appartenez Ă la gĂ©nĂ©ration du “tout digital”. Vous sortez malgrĂ© tout votre album en CD, vinyle et cassette, comme pour continuer Ă maintenir le lien avec l’objet physique malgrĂ© tout. Pourquoi ce choix ?
Adèle : L’objet est effectivement très important pour nous. Et le vinyle revient très fort Ă la mode, les rayons ont tendance Ă s’agrandir dans les magasins. Le CD beaucoup moins effectivement. On sait que le succès de l’album, si il y en a un, se jouera plus sur les plateformes de streaming. On a aussi un public qui est demandeur et qui a envie d’avoir des objets. Notre public joue le jeu de ce retour aux annĂ©es 80 : quand on fait un concert, le public est habillĂ© un peu comme dans les annĂ©es 80. Concernant les cassettes, elles sont dĂ©jĂ en rupture de stock.
Scènes Belges : Est-ce que vous n’avez pas un peu peur du succès volatile que peu reprĂ©senter le public qui consomme du streaming ?
Adèle : C’est une question difficile. Bien sĂ»r qu’on a cette peur. L’achat d’un CD et le streaming sont deux manières très diffĂ©rentes de consommer la musique. Evidemment la vente physique gĂ©nère un apport financier plus important. Mais ce qui nous intĂ©resse c’est de fidĂ©liser notre audience, ceux qui viennent nous voir en concert pour vivre la musique Ă fond. Angèle a par exemple dĂ©butĂ© sa carrière en faisant beaucoup de chiffres en streaming, et maintenant elle vend aussi son album par camion en magasin.
Scènes Belges : Vous avez eu l’occasion de collaborer sur cet album avec des gens qui ont aussi travaillĂ© avec Angèle justement, Suzanne et Odezenne. Ce sont des artistes qui incarnent une certaine “scène française moderne”. Tu peux un peu nous en parler ?
Adèle : On a bossĂ© avec Valentin Marceau pour le mixage et les arrangements. C’est notre Ă©diteur qui nous l’a prĂ©sentĂ© Ă un moment oĂą il travaillait avec Suzanne. Il a fait un test sur une de nos chansons et on s’est rendu-compte qu’il avait captĂ© notre univers. On a besoin d’ĂŞtre très proche des gens avec qui on travaille. On a Ă©galement travaillĂ© avec le mixeur d’Odezenne. Dans l’album, le chanson “Surricate” fait rĂ©fĂ©rence au titre “Bouche Ă Lèvres” d’Odezenne : elle a la mĂŞme ligne de basse, mĂŞme dans les paroles on s’en est inspirĂ©e. Il y a Ă©normĂ©ment d’artistes de la nouvelle scène qu’on apprĂ©cie Ă©normĂ©ment, mĂŞme si on est branchĂ© sur les annĂ©es 80.