INTERVIEW – Charles : “Pourquoi sortir un album si on ne peut pas aller le dĂ©fendre sur scène ?”

Tout est parti d’une reprise de “New Born” de Muse qui a donnĂ© le tournis au jury The Voice pour la mener jusqu’Ă  la victoire en 2019. Il y a ensuite eu un premier single, “Wasted Time”, Ă©purĂ© mais puissant, qui a tournĂ© allègrement en radio et qui a aussi fait grimper les stats de streaming. Le second single a suivi la mĂŞme voie. Du haut de ses vingts ans, CHARLES nous prĂ©sente son premier EP, “Falling While Rising”, qui sort ce vendredi 2 avril. La demoiselle s’est notamment entourĂ©e de Duncan Laurence, qui avait gagnĂ© l’Eurovision en 2019 avec son Ă©tincelant titre “Arcade”, mais aussi de Nina Sampermans qui Ă©crit notamment pour Hooverphonic. On a eu la chance d’Ă©couter cet EP et il n’a rien Ă  envier Ă  ce que peuvent proposer des artistes internationaux confirmĂ©s de la pop alternative et de l’indie-rock. Les 6 titres qu’on y trouve nous donnent un aperçu de son savoir-faire et du potentiel qu’elle garde plus que probablement encore sous la pĂ©dale pour le futur. On a donc pris le temps d’aller faire sa connaissance.

© Julia Dubois Rosca

Scènes Belges : Avant toute chose, dis nous comment tu vas, alors que ton premier EP, “Falling While Rising”, sort ce vendredi 2 avril ?

Charles : Je vais très bien, un peu trop mĂŞme. Je suis hyper enthousiaste et je suis un peu Ă  l’Ouest. Je ne rĂ©alise pas trop que cet EP va sortir. Malheureusement il n’y a pas de sortie physique de prĂ©vue, c’est une sortie digitale uniquement. Le coronavirus a compliquĂ© les choses.

Scènes Belges : Parle nous un petit peu du titre de cet EP, “Tomber en se relevant” en Français. Il n’est pas vraiment des plus rĂ©jouissant au premier abord.

Charles : Le titre n’est pas nĂ©gatif. A la base je voulais appeler l’EP “The” Fall” mais je trouvais ça trop sombre par contre. Chacune des chansons de l’EP parle d’un moment difficile de ma vie mais qui s’est au final avĂ©rĂ© positif parce que j’ai rĂ©ussi en retirer quelque chose de bien. Donc j’essaie de donner cette valeur : avancer, tirer des leçons et ne jamais se laisser abattre. C’est un peu un message d’espoir et de rĂ©silience.

Scènes Belges : Justement, “The Fall” est le premier titre que tu as Ă©cris pour cet EP. Explique nous comment s’est passĂ© la genèse de titre ?

Charles : C’est vraiment la première fois oĂą j’ai Ă©tĂ© en studio. La chanson en elle mĂŞme parle de boulimie. J’avais besoin d’Ă©crire Ă  ce moment lĂ  sur ce sujet car c’Ă©tait quelque chose qui Ă©tait très prĂ©sent dans ma vie. J’avais besoin de l’extĂ©rioriser. Ce titre est très significatif pour moi car pour la première fois j’ai rĂ©ussi Ă  poser des mots sur ce que je voulais exprimer. J’ai senti que ça m’avait fait vraiment du bien.

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Scènes Belges : Dans les autres titres, on retrouve aussi d’autres sujets assez lourds : violence conjugale, rupture amoureuse, la mort, l’absence, etc. Est-ce qu’on pourrait dire qu’il est, pour toi, plus facile d’Ă©crire sur les moments difficiles que sur les moments de bonheurs dans la vie ?

Charles : Oui très clairement. J’ai Ă©normĂ©ment de mal Ă  parler des choses nĂ©gatives et difficiles Ă  vivre que je peux rencontrer dans mon quotidien. Par la chanson, c’est une des seules manières que j’ai de les exprimer. Je dirai mĂŞme que c’est la seule manière. Je suis malgrĂ© tout quelqu’un de très positif, j’essaie de voir le bien partout, mĂŞme si ce n’est pas toujours facile. Mais le nĂ©gatif j’ai besoin d’en parler en chanson ne le tournant avec de l’espoir. Ce n’est pas tout noir. Ça a un cotĂ© un peu thĂ©rapeutique.

Scènes Belges : A cotĂ© de ce qui inspire tes textes, est-ce que tu peux aussi nous parler de tes influences musicales ? J’ai vu qu’elles Ă©taient très variĂ©es et pouvaient surprendre.

Charles : J’ai d’abord commencĂ© par me tourner vers le rock en dĂ©couvrant Nirvana quand j’avais 11 ans. Ça a Ă©tĂ© la porte d’entrĂ©e vers plein d’autres groupes comme Muse que j’affectionne Ă©normĂ©ment, mais aussi Rage Against The Machine ou System Of A Down. Tout ça m’a beaucoup inspirĂ© : les harmonies créées par System Of A Down, les changements d’accords Ă©laborĂ©s par Muse. Dans certaines chansons, j’avais besoin de garder des cotĂ©s authentiques avec des guitares, des distos, des batteries, des trucs plus rock. J’ai aussi beaucoup d’influences plus mĂ©lancoliques avec des artistes comme London Grammar ou Lana Del Rey. Il y a beaucoup d’accord mineurs qui me parlent. MĂŞme vocalement, ce sont des chanteuses qui m’inspirent et me correspondent.

Scènes Belges : Tu joues du piano aussi. Cela peut paraître surprenant puisque tes premiers amours musicaux étaient quand même tourné vers un rock très musclé. Comment es-tu arrivé à la musique ?

Charles : Je chante depuis que je suis petite, mais je le faisais sur des vidĂ©os de karaokĂ© sur Youtube. Puis j’en ai eu marre et j’ai demandĂ© Ă  mes parents pour avoir un clavier. Je voulais jouer d’un instrument pour m’accompagner au chant. Le piano me touche particulièrement car c’est un instrument qui peut donner des sonoritĂ©s tristes et mĂ©lancoliques. Ce sont des choses qui m’attirent depuis toujours. Je ne me suis plus jamais sĂ©parĂ©e de ce piano, et j’ai tout appris toute seule. C’est d’ailleurs toujours ce piano que j’utilise en concert.

© Julia Dubois Rosca

Scènes Belges : Pourquoi avoir choisi de sortir un EP alors que la situation sanitaire n’est toujours pas favorable ?

Charles : HonnĂŞtement ça a Ă©tĂ© un peu le bordel. On a beaucoup hĂ©sitĂ©. Pourquoi sortir un album complet si on ne peut pas aller le dĂ©fendre sur scène ? Alors on a fait le choix de l’EP, qui est un entre deux. J’ai envie de proposer des choses aux gens. Ça s’est construit petit Ă  petit. On a fait un choix dans les chansons que j’avais dĂ©jĂ  composĂ©e depuis un certain temps et que j’avais envie de sortir. Et il y a encore d’autres titres qui sont en cours de prĂ©paration pour le futur.

Scènes Belges : Pour rester dans le thème du marchĂ© de la musique, est-ce que tu peux nous expliquer comment il se fait que tu es prĂ©sente des deux cotĂ©s de la frontière linguistique en Belgique ? On sait qu’habituellement, et Ă  quelques exceptions près, la frontière linguistique est souvent difficilement franchissable dans un sens ou dans l’autre.

Charles : La radio nĂ©erlandophone Stubru a franchement adhĂ©rĂ© aux titres que j’ai dĂ©jĂ  proposĂ©. Ils passent pas mal de musiques alternatives qualitatives. J’espère en tout cas que si les gens aiment ma musique en Flandre c’est aussi pour ce qu’elle est, et pas simplement parce que le soutien radio est important ou parce que mon manager a Ă©tabli des bons contacts. Du cotĂ© Francophone, pas mal de radios ont suivi, mĂŞme sur les radios plus commerciales. J’ai Ă©tĂ© très Ă©tonnĂ©e des rĂ©actions positives et du succès de mon premier single “Wasted Time”.

Scènes Belges : Avant tout ça, tu a gagnĂ© “The Voice”. Est-ce qu’aujourd’hui ce genre de programme n’est pas devenu un passage obligatoire pour lancer une carrière ?

Charles : Il est plus compliquĂ© de percer en tant qu’artiste quand on est seul que lorsqu’on soutenu par une maison de disque comme c’est le cas grâce Ă  The Voice. Sans cela, il faut pouvoir investir de l’argent, du temps, avoir des compĂ©tences multiples en dehors de la musique en tant que telle. L’appui de The Voice est une aide, un accĂ©lĂ©rateur et un tremplin indĂ©niable. Si je n’avais pas fait cette Ă©mission, je ne me serai peut-ĂŞtre jamais lancĂ© dans la musique comme j’ai pu le faire ici. C’Ă©tait maintenant ou jamais.

Scènes Belges : Et sortir des frontières du Royaume ça t’intĂ©resserait ? La France par exemple ?

Charles : Evidemment. J’adorerais aller faire des concerts en France. Mais c’est un marchĂ© qui reste très fermĂ© et relativement difficile Ă  percer si on ne chante pas en français. Ça serait pas mal de faire un petit concert Ă  l’Olympia (rire).

Scènes Belges : Tu as aussi participĂ© Ă  la composition du titre “The Wrong Place” pour Hooverphonic qui va aller dĂ©fendre les couleurs de la Belgique Ă  l’Eurovision. Comment tu t’es retrouvĂ©e prise dans ce projet ?

Charles : J’Ă©tais en train d’Ă©crire des chansons pour moi, avec l’appui d’Alex Calier d’Hooverphonic. J’aimais ces chansons mais je ne les voyais pas coller avec ce que j’avais envie de faire. Je n’arrivais pas Ă  m’y identifier. Sur le moment je n’ai rien dit. Mais ensuite Alex Calier est revenu vers moi en me demandant si il pouvait rĂ©cupĂ©rer deux des titres en questions pour Hooverphonic. C’Ă©tait un vrai plaisir et très valorisant de les lui laisser. Et j’ai ensuite appris qu’il avait retenu “Release Me” pour l’Eurovision. C’Ă©tait une belle reconnaissance.

Le premier EP de CHARLES s’appelle donc “Falling While Rising” et il est disponible sur toutes les plateformes de streaming musical depuis ce vendredi 2 avril 2021. Bonne Ă©coute !


Écrit par Jean-Yves Damien