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INTERVIEW – LO : "ce sont souvent des choses sombres qui suscitent de l'émotion"

C’est maintenant il y a presque deux ans que Scènes Belges a découvert LO. C’était à Flagey, la chanteuse-claviériste bruxelloise Sïan Able venait y présenter son EP « Healing Waves » et le jeune homme assurait la première partie ce soir là (le compte-rendu est ICI). Il était monté sur scène sans prétention, presque en s’excusant d’être là. Mais une fois assis derrière le piano, il avait scotché l’assistance durant une grosse demi-heure. Pas besoin de faire un maximum de bruit ou d’être dans une démonstration spectaculaire de son art, ses textes et son jeu de piano avaient suffit à mettre tout le monde d’accord. Assumant ses influences multiples (rock, rap, jazz et électro), il a sorti il y a quelques jours son premier EP, « Parades », compilation de son savoir-faire artistique et de ses racines musicales. Il a également remporté tout récemment le concours DU F DANS LE TEXTE 2021. Certains signes ne trompent pas. On a donc été discuter de tout ça avec le jeune homme il y a quelques jours. [caption id="attachment_18981" align="aligncenter" width="500"] Photo : Simon VANRIE[/caption]

Scènes Belges : Bonjour LO, pour commencer est-ce que tu peux simplement nous expliquer comment tu es arrivé à la musique, que ce soit en tant que chanteur et musicien ?

LO : Vaste question ! Le premier rapport que j’ai eu à la musique était quand j’avais 5 ou 6 ans. Ma grande sœur m’a fait écouter des trucs qui passaient sur MTV ou à la radio alors que j’étais très jeune. Elle m’a fait découvrir MC Solaar, Linkin Park, Manau. Ça a été le premier déclencheur. Après ça, je me suis acheté les albums de ces artistes en question. J’ai alors commencé à être un gros consommateur de musique. J’ai toujours aimé avoir l’objet en main. C’est un rapport à l’objet que j’ai encore aujourd’hui.

Scènes Belges : Tu joues aussi du piano. Pourquoi ce choix d’instrument ?

LO : Il y avait un vieux Casio qui prenait la poussière chez mes parents parce que personne chez moi n’était musicien. J’étais curieux et j’ai commencé à chipoter dessus.J’ai commencé à me former vers 10 ans mais cela ne me bottait pas trop de suivre des cours. C’était très théorique et académique dans la démarche d’apprentissage, et pourtant je ne suivais pas des cours via une académie. J’ai un peu décroché du coup. Vers 16 ans, j’y suis revenu de manière naturelle car j’avais commencé des cours de théâtre quelques années auparavant. J’aimais bien écrire, et ce plaisir d’écrire j’ai voulu le coupler avec le plaisir d’écrire de la musique. C’est comme ça que je suis revenu vers le piano, de manière autodidacte. Rapidement j’ai commencé à composer des trucs moi-même sans me contraindre d’une théorie. Je jouais des accords que je trouvais beaux.

[caption id="attachment_18982" align="aligncenter" width="500"] Photo : Simon VANRIE[/caption]

Scènes Belges : Sur ce premier EP, « Parades », on retrouve beaucoup d’influences et de sonorités : du slam, des influences dites « urbaines, du rock, du jazz, de l’électro. Comment tu expliques ce large panel d’influences ?

LO : Je ne me pose pas la question de quel style je vais faire quand je suis en train d’écrire. Cette fusion s’est faite par l’intermédiaire de mes influences musicales. Quand j’étais petit j’écoutais beaucoup de rap français, à l’adolescence j’écoutais beaucoup de rock français avec des groupes comme Dionysos, Noir Désir, Saez. Tout ça m’a énormément imprégné. Ces dernières années je découvre des artistes un plus étiquetés World ou Jazz, comme Mélody Gardot par exemple. Ces influences se mêlent de manière inconsciente. Je fais avec les instruments que j’ai autour de moi. Je suis un passionné de claviers, je compose avec tout ça.

Scènes Belges : Tu as aussi collaboré avec le producteur Olvo qui a apporté une touche plus électro à l’EP. Parle-nous de cette collaboration.

LO : J’avais déjà composé mes titres : les voix, les sections rythmiques, les couches de synthés, etc. Mes compétences dans le domaine de la composition électronique n’étaient pas suffisamment abouties pour pouvoir arranger ces productions déjà construites. Il a apporté beaucoup de nuances dans les arrangements. C’est une belle couche de vernis qu’il a pu mettre sur mes morceaux.

Scènes Belges : Le titre de ton EP est « Parades », au pluriel. Pourquoi ?

LO : Quand on prend le dernier titre de l’EP, « Parade Nuptiale », il y est question du pardon, du fait qu’on est tous constamment dans un jeu de séduction les uns par rapport aux autres, de manière consciente et inconsciente. On est tous un peu dans une démarche un peu égocentrique. C’est une façon de dire que je ne déroge pas à la règle : je parle beaucoup de moi, mes textes son très intimistes, et pourtant je m’exhibe. Je fais aussi mes petites parades sur chaque titre.

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Scènes Belges : Est-ce que tu peux nous parler un peu plus spécifiquement du titre « Delphine » ?

LO : C’est un titre qui parle d’une fille, qui pourrait être un homme aussi, qui est un peu paumée dans sa vie et son existence urbaine. Elle a besoin d’exploser, d’aventures, de folies, de feux d’artifices. Elle est toujours un peu à la limite. Sur la question du regard des autres, le personnage de Delphine peut être mis en opposition avec celui qui est décrit dans le titre « Mort-né ». Delphine elle s’en fout et elle s’arroge de ça alors que dans « Mort-né », le personnage en souffre beaucoup. Mais ce sont deux titres qui sont très actuels avec ce que l’on vit depuis un an avec le COVID.

Scènes Belges : Est-ce que finalement cette recherche de liberté et cette volonté de sortir de tous les cadres, ce n’est pas malgré tout en faire partie ?

LO : Si, bien sûr. Je ne pense pas que Delphine soit spécialement heureuse. Elle cherche une certaine liberté mais ce n’est pas ça qui la rend heureuse. Il y a quelque chose d’assez oppressant. Il y a une sorte de course contre la montre pour arriver à un objectif, à un rêve. Mais on passe aussi alors à coté de plein de choses. Je ne sais pas si sa vie est particulièrement plus épanouie et heureuse dans cette quête.

Scènes Belges : Sur cet EP, il y aussi le titre « Amsterdam », un piano-voix doux et tempétueux qui dénote avec les autres titres. Comment est né ce titre ?

LO : Il est né à Amsterdam pour le coup. C’est un peu ma ville fétiche du début de ma vingtaine quand je faisais des city-trips avec mes potes. J’ai commencé à l’écrite un dimanche après-midi après une soirée arrosée là-bas. Tu as la gueule de bois et tu erres dans la ville et à ce moment là il y a des images, des ambiances, des odeurs qui inspirent des trucs. Mais je ne l’ai pas pondue comme ça en une heure sur place. D’une manière générale, j’écris mes textes sur base d’une idée qui se développe et qui peut prendre plusieurs semaines ou plusieurs mois pour aboutir.

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Scènes Belges : Tu parles du fait que l’écriture de tes textes est un processus qui se fait sur la longueur. Est-ce que tu as l’impression que la situation liée au COVID, qui a mis nos rythmes de vie en veille, à un impact dans ton travail artistique ?

LO : Je suis dans une dynamique ou je suis H24 dans ma chambre, aussi bien pour mon activité professionnelle, où je suis en télétravail, que pour la création artistique. Je suis toujours dans les mêmes quatre murs. Pour renouveler la créativité et développer des thématiques différentes, il faut sortir dehors, rencontrer des gens. Sans cela, tous les petits déclencheurs qui provoquent l’étincelle dans ta tête sont plus compliqués à avoir.

Scènes Belges : Finalement cet EP, est-ce qu’on pourrait le voir comme s’inscrivant dans une démarche de dénonciation pure et simple ou dans une démarche d’actions face à certains constats de la vie ?

LO : C’est toujours un peu compliqué de vouloir prendre une position de revendication constante. Il faut pouvoir la tenir et l’assumer. J’essaie d’apporter du sensible dans ce que je raconte et dans la musicalité. Il y a toujours un constat qui est fait c’est certain, plus qu’une dénonciation, mais c’est très important pour moi qu’il y ait du sens dans mes textes. Je raconte des histoires qui sont des métaphores de ces constats. C’est certain que mes influences musicales ont un poids dans la construction d’un « art engagé », même si c’est très prétentieux et un peu fourre-tout comme étiquette.

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Scènes Belges : « Parades », c’est un peu une compilation d’histoires d’anti-héros ?

LO : Oui. Je crois que c’est un rôle qui me plait. Je m’y suis toujours plus identifié. « Mort-Né » est vraiment dans cet état d’esprit. Quand on regarde le premier album d’Orelsan par exemple, « Perdu d’avance », c’est un peu la même idée. Quelque part ça me met aussi dans une position d’outsider. Ça me plait bien.

Scènes Belges : Est-ce que pour les artistes il n’est pas parfois plus simple, plus facile, de se mettre dans cette position de « demi-perdant/demi-looser », de se mettre en décalage ?

LO : Oui, cela permet de se mettre une petite couche de protection à travers ce genre de discours. C’est un peu l’idée de dire « je vous aurai prévenu que c’était foireux donc n’attendez rien de moi ». C’est une façon de se dédouaner un peu. Quand j’écris, j’aime aller puiser au fond des choses. Quand on va sur ce terrain là, ce sont souvent des choses sombres qui suscitent de l’émotion.

Scènes Belges : Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, tu as remporté il y a quelques jours à peine le concours DU F DANS LE TEXTE 2021. Félicitations ! Qu’est-ce que cela t’inspire ?

LO : C’est une énorme satisfaction, ça me conforte dans l’idée qu’en musique il faut veiller à créer sa propre patte et c’est sans doute le processus qui prend le plus de temps. Je suis vraiment extrêmement fier et heureux, il y a de belles perspectives qui se dessinent et c’est hyper stimulant !

L’EP DE LO EST A ECOUTER EN CLIQUANT ICI

[caption id="attachment_18983" align="aligncenter" width="500"] Photo : Simon VANRIE[/caption]

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