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LES NUITS BOTANIQUE : COLINE & TOITOINE, la jeunesse prend le pouvoir !

Le duo bruxellois de COLINE & TOITOINE aura beaucoup tourné cet été en festivals suite à la sortie de son premier EP “Soma”. Comme tous les groupes émergents (21 ans chacun), c’est aux premières heures de l’après-midi qu’ils se sont souvent retrouvés programmés, venant notamment sauver la mise du Ronquières Festival ayant du faire face à une annulation de dernière minute. Résultat : un concert devant un public d’abord curieux et puis finalement franchement emballés par les titres pop et électros respirant la fraîcheur et la spontanéité. Ce week-end était celui des extrêmes pour eux : il jouait le samedi soir à Namur dans le cadre des fêtes de Wallonie à Namur, juste avant Roméo Elvis, devant une place Saint-Aubain bondée. Et 24 heures plus tard ils se retrouvent à l’affiche des NUITS DU BOTANIQUE avec le privilège de jouer, en tête d’affiche cette fois, dans La Rotonde. Et les bonnes nouvelles n’étant jamais isolées, le concert affiche complet depuis plusieurs semaines maintenant.

La première partie est assurée ce soir par VIS-À-VIS. Le groupe composé d’une chanteuse, d’un guitariste, d’un batteur, d’un claviériste et d’un saxophoniste vient tout juste de sortir son premier EP. Ils proposent une pop aux sonorités modernes avec l’apport très intéressant de ce saxophone aux sonorités rauques et puissantes. Mais une partie du public, arrivée après le début du set, semble vouloir jouer à qui parlera le plus fort (et plus fort que la musique si c’est possible), tout en tournant ouvertement le dos à la scène. Et ce ne sont pas les plus jeunes (en général plus turbulent) qui sont à pointés du doigt, au contraire même ! Cela en devient irrespectueux au point que certains spectateurs commencent à demander le silence et qu’au final la chanteuse s’arrête au milieu d’une chanson jusqu’à ce que le calme revienne. Lorsque la musique d’un groupe ne nous plait pas rien ne nous empêche d’aller traîner au bar en attendant que cela passe. Le Botanique possède suffisamment de pompes à bières pour cela et, qui plus est, dans un cadre magnifique et aéré. Voilà pour le coup de gueule. Dommage pour ce groupe dont la prestation aura été plus que parasitée et où il aura été finalement difficile de se concentrer sur leur musique. Ça, plus le cameraman de BX1 qui se pointe comme une fleur une fois la salle bondée en nous demandant d’aller nous mettre ailleurs parce qu’il doit filmer… On ne gardera pas un souvenir terrible de cette première partie. On vous rassure quand même, le reste de la soirée va être bien différent.
Une certaine frénésie est déjà perceptible dans la salle avant même le début du concert de COLINE & TOITOINE. Celle-ci vire brusquement à l’hystérie généralisée lorsque les lumières s’éteignent pour de bon. Toitoine monte sur scène, vêtu d’un bleu de travail… bleu. Il se penche sur ses machines, paddles et autres petits synthétiseurs orientés en direction du public. Cela permet à ce dernier de pouvoir visualiser la construction musicale du concert. Coline & Toitoine ne sont pas venus pour tricher. Dans un halo de lumières bleues et de fumigènes les premières notes du titre « North » retentissent. La voix de Coline se fait ensuite entendre, d’abord depuis les coulisses et ensuite depuis la scène où son apparition, dans un bleu de travail rouge, créé une nouvelle vague de cris. La mélodie et les sonorités son oniriques et le refrain puissant, libérateur. Ce titre résonne comme l’expression d’une jeunesse enjouée partie conquérir le monde qui l’entoure. Il faut dire que le duo affiche une conviction rare sur scène. Le regard de Coline est profond et intense à la fois. Mais limiter cette conviction à ce seul regard serait une erreur.
Coline & Toitoine font partie de ces groupes qui montent à chaque fois sur scène pour mener une bataille rayonnante et heureuse. On a donc un Toitoine qui est à fond sur ses machines, le plus souvent avec la tête en mouvement au rythme des chansons. Et de l’autre coté on retrouve une Coline qui envoie tout ce qu’elle a, aussi bien avec sa voix, qu’avec ses bras et ses jambes qu’elle balance dans tous les sens comme une boxeuse sur un ring. Il y a aussi ce visage sur lequel un large sourire s’affiche continuellement. Et le public suit en partant au quart de tour, avec une fosse qui se met à sauter en rythme dès les premières percussions rythmiques et à chaque refrain.
Il faut aussi s’attarder sur la voix de Coline : de formation lyrique, la jeune fille ne se cantonne pas du tout à ses bases et va explorer des registres très diversifiés où finalement le lyrique n’occupe qu’une faible partie du répertoire mais dont l’influence et l’apport sont ô combien importants. Un titre en piano-voix est ainsi entièrement chanté dans ce style, puissant et fragile à la fois. Nos poils s’hérissent alors. En dehors d’un chant pop plus traditionnel, on la voit aussi régulièrement partir dans des solos qui sentent le rap fiévreux, arpentant la scène d’un coté à l’autre et en adoptant des postures de bad boy/girl. On assiste même à un duo rappé avec le frère de Coline sur le titre « Break up with you cellphone ».
Leur répertoire d’influences est très large et pourtant ils réussissent à tout empaqueter sans que les transitions de styles ne fassent mal à l’oreille. Ça nous bouscule, ça nous surprend mais jamais ça ne nous dérange. Ce qui est valable pour le chant l’est aussi pour la musique où les influences se bousculent dans un beau mélange bien ficelé. Leur premier EP est un peu à cette image : 7 titres, tous identifiables les uns par rapport aux autres grâce à une touche musicale différente à chaque fois. Et là aussi l’ensemble reste malgré tout cohérent à l’écoute. Pop, dance, électro, lyrique. Mais il y a aussi ce titre, « Lâchez moi », dont les premiers airs laissent penser à une interprétation de comédie musicale dans un style chanté-parlé, pour finalement se transformer en tempête électronique et métallique où les stroboscopes et lumières tournoyantes se déchaînent.
Mention spéciale aussi au titre « Under my arms » et sa rythmique disco qui fait danser toute la salle. On pourrait leur reprocher la facilité de certaines mélodies parce qu’elles accrochent immédiatement l’oreille. Cela ferait de nous de vieux cons grincheux. Tout cela semble être en fait simplement la conséquence de la fraîcheur et de la spontanéité enthousiaste (et enthousiasmante) de ces deux jeunes gens. Le titre « Anyway » en est le parfait exemple. Ils prennent encore tout le monde au dépourvu lorsqu’ils font monter sur scène un quatuor à cordes pour deux titres dont ils ont écrits eux mêmes les arrangements. L’ambiance jusque-là surchauffée et festive se fait alors silencieuse. Mais ce n’est que temporaire car le concert repart ensuite pour un final agrémenté de quelques breakbeat et un rappel qui nous a fait penser au dernier live de Lost Frequencies enregistré à Forest National en 2019. Ambiance de dancefloor assurée.
Le premier passage du jeune duo par le Botanique restera un moment clé dans leur carrière. Au cours d’un set d’une heure quart, ils auront envoyé les patates musicales face à un public en grande partie déjà conquis. On les avait découvert à l’été 2020 en première partie de Konoba à l’Abbaye de Villers-La-Ville, et déjà on avait senti qu’un truc pouvait se passer avec ce groupe. Le chemin qu’ils ont parcouru en un peu plus d’un an est tout simplement énorme. En tant qu’observateurs « neutres » et en se concentrant uniquement sur ce qu’il se passait sur scène ce dimanche soir, on peut dire qu’on a vu deux jeunes gens être les acteurs et les maîtres d’un projet musical sincère mais très pros (le travail sur le lightshow était énorme). La spontanéité et la candeur de ces deux-là pourraient bien venir donner un énorme coup de pied dans un paysage musical général qui aime calibrer et normer les choses. Coline & Toitoine sont aussi les partisans d’un certain « do it yourself » qui leur donne une indépendance d’action. On leur souhaite que la professionnalisation de leur projet n’entraînera pas une dégradation créative, imposée par une certaine industrie. ll ne reste plus qu’à espérer qu’ils pourront protéger et conserver cette liberté et cette fraîcheur musicale, scénique et d’esprit qu’ils se sont accordés. Ils auraient bien tort de s’en priver !
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