Dans la galaxie des groupes de rock instrumentaux, les Tournaisiens d’ ENDLESS DIVE se font doucement mais sûrement une place à l’assise de plus en plus solide et singulière. Le groupe s’était fait remarquer avec un premier EP dans un style post-rock somme toute relativement conventionnel mais déjà bien calibré. S’en est suivi un premier album à l’identité sonore bien plus affirmée qui leur a permis de se démarquer aux yeux et aux oreilles des amateurs du genre. On les a ainsi vu pas mal tourner, aussi bien en Belgique qu’à l’étranger. Trois ans plus tard, le groupe est de retour avec “A Brief History of a Kind Human”, un second album (très attendu) sorti au début du mois. Ce n’est donc pas par hasard que le concert initialement prévu à LA ROTONDE (la “petite” salle du BOTANIQUE) a été déplacé à L’ORANGERIE ce vendredi soir.

La première partie est assurée par SLAMINO, le projet math-rock et électronique du guitariste et producteur Pablo Fleury. Le public est déjà présent en nombre dans une orangerie en configuration “debout et sans masque”. Armé d’une guitare électrique, d’un synthé et d’une pléthore de pédales d’effets et d’enregistrements, Slamino réussi à capter l’attention du public et même à susciter un enthousiasme manifeste chez celui-ci. Son style est à la croisée de pas mal d’influences entre riffs de guitare bien électrique, beats hypnotiques, nappes de synthé un peu planantes et samples d’enregistrements radiophoniques semblant émerger d’un lointain chaos. Et, au milieu de tout ça, il utilise ses différentes pédales pour enregistrer des boucles sonores qu’il renvoie ensuite pour construire chacun de ses titres. Par moment, ses compositions nous font penser à la musique de Tycho, avant que l’affaire ne devienne plus alternative et moins synthétique. Une très bonne découverte : plus rock et moins électro que ce que l’écoute préalable de ses deux titres actuellement disponibles sur Spotify nous avait laissé penser.

Les quatre membres d’ENDLESS DIVE prennent ensuite place sur scène pour ce concert qui présente pour la première fois en live les morceaux du nouvel album. Et le groupe n’y va pas en faisant de grands détours puisque la setlist de ce soir est composée de l’ensemble des titres qui composent ce nouvel album, avec en bonus le titre “Misadventures” issu de leur premier album. Le titre La Cigue constitue l’intro du concert : des accords de guitares lointaines qui se perdent en échos avec quelques bruitages glaciaux et inquiétants. Et puis, les amplis sont mis sous tension pour envoyer avec force les premiers accords bien lourds et métalliques que comporte ce titre. L’atmosphère sombre et tellurique qui s’en dégage nous renvoie à l’incontournable We’re No Here de Mogwai, groupe phare de la mouvance post-rock internationale. Sur scène, les musiciens sont en train de triturer les cordes de leurs guitares et de la basse alors que le batteur frappe avec précision et détermination. Aux quatre coins de la scène, chaque musicien se contorsionne vigoureusement, en phase avec les notes et rythmes qu’il fait sortir de son instrument. L’impact sonore et visuel est puissant. Le ton est donné pour la suite du set.

Ce qui nous frappe le plus dans ces nouveaux morceaux ce sont la richesse de leurs constructions, les sonorités plus diversifiées et les arrangements plus pointus avec quelques apports électroniques. C’est de cette manière qu’à plusieurs reprises le groupe utilise des synthés. Le recours aux pédales d’effets est aussi très fréquent. Cet ensemble donne du relief tout au long du set, sans pour autant partir dans tous les sens. Avec un total de 37 minutes pour 9 titres sur ce nouvel album, le groupe va droit au but tout en réussissant à imposer une identité et une ambiance pour chaque morceau, évitant de se perdre dans de longs et ennuyeux passages musicaux nécessitant une attention (voir une discipline) très soutenue.

Endless Dive enchaine des moments plus aériens, portés par une guitare électrique aux sonorités claires et lumineuses, avec des épisodes beaucoup plus massifs où la basse et la seconde guitare viennent rendre l’ensemble très offensif. La batterie se chargeant de dicter la cadence de chacune de ces chevauchées électriques. Les titres Blurred, Tropique Triste et Archimboldi en ont une des plus belles illustrations. Et lorsque le groupe n’est pas dans ce schéma entre douceur (toute relative) et passages virils, c’est une belle montée en tension sonore et mélodique qu’il nous offre sur le titre Elevator To Silence, avant que celui-ci n’explose dans un final épique. Et pourtant, c’est une impression générale contemplative qui se dégage. Mais une contemplation d’immenses contrées sauvages balayées par la force naturelle des éléments dans toute l’intensité, la pureté et la beauté que cela peut représenter. C’était déjà le cas sur leur premier album, le titre Misadventures qui en est extrait, et qui est joué ce soir, en est la parfaite illustration avec cette alternance entre passages atmosphériques et tempêtes électriques jubilatoires. Le lightshow est du même gabarit avec de beaux tableaux tout en contre-jour avant que les stroboscopes ne viennent déclencher une tempête visuelle renforçant l’intensité mélodique du set. Endless Dive réussit à mettre en musique tous ces sentiments et ces ressentis, tout en ayant une présence scénique qui laisse transparaitre une grande sérénité et un plaisir non-dissimulé chez chacun des membres du groupe.

Notre coup de cœur de la soirée va pour le titre Au Revoir. Il démontre, selon nous, ce qu’Endless Dive sait faire de mieux : générer des émotions fortes et puissantes chez l’auditeur. Ce mélange de plénitude atmosphérique et de grandes envolées mélodiques portées par des guitares électriques aux riffs imparables suscite un éclatant pogo émotionnel chez le spectateur. Ce titre est une pure folie dans ce domaine : une première partie très lumineuse et déjà portée par une rythmique entrainante qui laisse place ensuite à une explosion de couches de guitares successives se transformant en véritable tornade ! Leur musique plonge les spectateurs au cœur de ce que le rock instrumental (pour éviter de coller des étiquettes trop restrictives) a de plus fantastique, de fougueux et de lumineux. Dans le public, on a vu énormément de visages souriants ou de spectateurs avec les yeux fermés, secouant la tête en rythme, confirmant une fois encore l’inexplicable pouvoir émotionnel de la musique. Au même titre que des groupes comme God Is An Astronaut ou Sleep Dealer, Endless Dive possède une partie de ce secret !

A certains moments, nous aimerions que le groupe pousse encore plus intensément les mélodies et couches sonores de certains titres. Selon nous, ceci ne dénaturerait pas les subtilités mélodiques de ceux-ci. On voudrait parfois que les riffs et les rythmiques puissent continuer à monter en puissance, encore et encore, afin de rendre les morceaux encore plus ardents et lumineux qu’ils ne le sont déjà. Mais, c’est aussi avec cette capacité à aller là où on ne les attend pas, qu’Endless Dive réussi à se créer une identité sonore singulière et cohérente. Les 9 titres que comporte cet album pourraient bien être ceux qui confirmeront pour de bon le statut de valeur sûre du groupe dans le riche et diversifié territoire du rock instrumental et de tous ses sous-genres. De notre côté, nous n’hésiterons pas un instant pour placer cet album dans les sorties belges majeures de 2022 ! Le concert de ce vendredi soir lui ayant également fait passer l’épreuve du live avec force et aisance.

SETLIST – ENDLESS DIVE – BOTANIQUE – 25/02/2022

La Cigue – Elevator To Silence – Blurred – Tropique Triste – Ingeborg – Archimboldi – The Red Poet – Misadventures – Aurevoir – A Brief History of a Kind Human

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