Quand on est originaire de Marseille il n’est pas toujours simple pour un artiste d’exister en dehors de la mouvance rap. Toute règle étant accompagnée de son lot de dérogations et d’exceptions, NTO, producteur originaire de la citée phocéenne, a sorti “Apnea” fin 2021. Il s’agit de son premier album après déjà plus de dix ans d’activités dans le domaine de la musique… électronique. On ne compte ainsi plus ses passages par le Festival de Dour. On peut également mentionner sur son CV un récent concert au Zénith de Paris ainsi qu’un remix d’un de ses titres (“Invisible”) signé par Paul Kalkbrenner lui-même. Il suffit de regarder le peu de remix officiel produit par le célèbre producteur berlinois pour que cela suffise à attirer l’attention sur la musique de NTO. Nous avons donc préparé nos plus beaux pas de danses et avons pris la direction de La Madeleine pour une soirée aux rythmes et sonorités modernes et synthétiques.

Le wam up de ce vendredi soir est assuré par ROMAIN GARCIA, le petit protégé de Ben Bohmer. D’abord peu attentif et finissant l’apéro, le public se fait ensuite plus réceptif et dansant face à sa techno mélodique, alors que La Madeleine se noie petite a petit dans les fumigènes et un lightshow tournoyant. Quelques samples vocaux viennent apporter une touche plus pop et ensoleillée à son set. Tout ça sent bon les nuits de danses sur des plages paradisiaques au son de soundsystems envoûtants. Son remix rythmé et voluptueux de indéboulonnable “Sweet dreams” d’Eurythmics ne faisant que confirmer cette impression. Avec le set du garçon on prend déjà une première dose généreuse de basses profondes et ronronnantes durant une bonne heure.
Le set de NTO (Anthony Favier de son vrai nom) commence avec un battement sourd et des voix fantomatiques en sourdine. Derrière sa table et ses machines, le producteur prend le temps d’amener une ambiance sonore initiale avant de lancer une première séquence au rythme relativement tranquille mais déjà puissant. Le public y est réceptif, les bras se levant et les corps se mettant à onduler. En fond de scène, on retrouve un ensemble lumineux aux formes géométriques qui représente la cover de son album. Celui-ci s’illumine d’abord timidement, presque de manière minimaliste. Au fur et à mesure du set, ce lightshow va monter en puissance avec des projections visuelles colorées qui ressemblent à des particules d’eau multicolores qui dansent en suspension dans les airs. Avec les habituels jeux de lumières et autres stroboscopes (jamais agressifs), l’ensemble visuel se fait alors carrément massif. On a bien affaire à une grosse production !
NTO manie assez bien la technique des montées en pression rythmiques et mélodiques, traditionnelles dans le domaine de la musique électronique. Il en joue aussi en laissant croire au public qu’il va lâcher le beat libérateur qui finalement se transforme en vague sonore atmosphérique, sans le moindre coup de basse. Cela génère une frustration dans le public, mais NTO surprend alors tout le monde en lançant le tant attendu rythme fédérateur quelques instants plus tard. Le public exultant encore plus fort alors.
Sur cet premier Album, NTO a notamment collaboré avec du beau monde, puisqu’on retrouve parmi eux Tricky, French 79 et le berlinois (encore un) Monolink avec son timbre de voix chaud et posé. Le titre enregistré avec ce dernier joue ainsi tout à fait son rôle hypnotique. Les compositions de NTO sont bourrées de gimmicks mélodiques et de basses dont l’efficacité entêtante comble un public qui n’hésite pas à manifester son enthousiasme et le plaisir qu’il a à être là ce soir. On pourrait rapprocher son style des titres que propose Thylacine, un autre français spécialisé dans ces sonorités et structures sonores travaillées et accessibles à la fois.  On en a déjà parlé plus haut, mais le moment où NTO lance les premières notes d’ “Invisible” c’est dans la version remixée par Paul Kalkbrenner qu’il le fait. Ce titre permet à NTO d’amorcer la seconde partie du set. Le beat général s’accélère, le lightshow se fait plus dynamique, les lignes de basses plus denses et profondes, les sonorités se font également plus dures.
Certains passages devienent alors encore plus sombres et durs, avec un beat par minute qui se fait toujours plus robuste. L’ambiance visuelle devient elle aussi plus dark, plus brute. Le public danse avec énergie et conviction. Cette seconde partie du set est définitivement beaucoup plus survitaminée, rappelant certains des titres de Vitalic dans l’efficace rythmique qu’ils comportent et dans certains sons plus métalliques. Le set touche à sa fin dans un final en formes de breakbeats et d’infrabasses qui ralentissent et s’accélèrent au point de faire tourner La Madeleine en pogo. NTO revient pour un rappel aux sonorités rétros et faussement enfantines, un peu comme “Epple” de Royksopp qui avait fait dansé la planète entière au début des années 2000. Ce titre (“Paul”) reste encore et toujours accompagné de lignes de basses qui finissent de broyer avec plaisir notre repas du soir dans notre estomac. D’ailleurs le compteur de décibels de la salle s’envole au delà des 100 db à ce moment là. Et pourtant ce dernier titre est plus tranquille qu’il n’y parait. Les lumières se rallument dans une madeleine dont la moquette est maintenant gorgée de bière. Qui a eu idée d’aller mettre de la moquette dans une salle de concert ? En conclusion, nous pouvons écrire sans crainte que la techno de NTO reste agréable et abordable pour un public large, sans pour autant virer dans des sonorités et des effets putassiers déjà exploités par d’autres (dont nous tairons les noms) de fond en comble jusqu’à en racler la cuvette.

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