Après deux années d’absence, Espéranzah ! est de retour dans une formule qui pousse toujours plus loin son engagement. Une vingtième édition sous le signe de la décroissance, empreinte de nostalgie tout en étant tournée vers le futur. Retour sur notre première journée de festival dans le cadre magnifique de l’Abbaye de Floreffe.

Espéranzah ! avait à coeur d’écouter ses festivaliers et a su comment profiter de ces deux années de “pause forcée” en repensant sa formule. Les festivaliers avaient marqué leur amour pour l’Abbaye de Floreffe, le festival a donc oeuvré pour s’y inscrire dans la longueur. Engagé pendant toute la pandémie dans une lutte pour démontrer le côté essentiel de la culture, Espéranzah ! nous avait offert l’an dernier un version miniature de son festival que l’on avait adoré vivre. Retrouvant une taille humaine, Espé21 nous ramenait quinze ans en arrière, et nous embarquait avec nostalgie dans une petite bulle intimiste hors du temps. Devant le succès et les retours ultra positifs de cette édition, l’organisation a donc décidé d’aller vers la décroissance. En fluidifiant au maximum le site et le confort du public afin de retrouver cette échelle humaine qui a tant plu. Pour y arriver, Espéranzah ! passe désormais à quatre jours de festival (contre trois les années précédentes), afin de pouvoir espacer les concerts et permettre aux spectateur.rices de profiter de la programmation sereinement, sans courir. Une politique faisant primer la qualité sur la quantité qui fait énormément de bien et qui va à contre-sens du paysage scénique actuel, contraint de lutter en permanence pour sa rentabilité. Une formule plus aérée donc, qui permet plus facilement de profiter des tonnes d’autres activités et propositions artistiques et militantes qui fondent l’identité d’Espéranzah !

Un line-up nostalgique sous le signe de la parité

Côté programmation, c’est aussi la carte de la nostalgie qui a été jouée puisqu’à l’occasion de ses 20 ans, Espéranzah ! a ramené quelques artistes emblématiques qui ont marqué son histoire, à l’image de Chinese Man, Asaf Avidan, Gaël Faye, Scylla et Hilight Tribe, trônant en tête d’affiche d’un line up qui atteint pour la première fois la parité au niveau de la représentation des femmes et des personnes sexisées.

On pose nos premier pas sur le site aux alentours de 19h, juste à temps pour entamer les festivités avec le “free rap” (comme il l’appelle lui-même) de Sopico. Pur produit de cette génération qui ne s’encombre d’aucune frontière musicale, le guitariste parisien de 25 ans puise autant ses influences dans Metallica ou Daft Punk que dans la musique kabyle. Sur ses riffs, il superpose des vagues de mots doux, lumineux et habités. De quoi nous mettre chaleureusement dans l’ambiance d’une soirée qui s’annonce festive.

C’est ensuite avec le set possédé de Hilight Tribe que la soirée décolle littéralement. Avec 8 albums au compteur et près de 20 ans de bourlingue, les chantres de la natural trance ont endiablé la foule. Il faut dire que les festivaliers les attendaient de pieds fermes puisque le groupe est arrivé premier au sondage des artistes que le public souhaitaient retrouver sur les planches floreffoises. Sans transition aucune, la foule s’est transformée en véritable fournaise, sautant et dansant sur la plus organique des electro-instrumentale jusqu’à en avoir les mollet en fusion. On se déchaîne au fond de la pleine comme devant la scène, personne n’en sortira indemne… pour notre plus grand bonheur !

Le sourire et l’exaltation au bout des lèvres, on se dirige ensuite vers la sublime scène Jardin, sur le plateau supérieur de l’Abbaye où l’on assiste au coucher de soleil en attendant la trip-hop survitaminé de Chinese Man. On les retrouve cette fois avec leur formule Groove Session, accompagnés des flows live du duo de MC marseillais Baja Frequencia et des platines de Scratch Bantits Crew et Youthstar Miscellaneous. Si le set met un peu de temps à se débrider, le collectif prendra rapidement de la hauteur et gagnera en spontanéité au fil des morceaux pour nous emmener dans son univers electro-hip-hop aux accents tantôt orientaux, tantôt africains, souvent marqué par des samples qui semblent tout droit sortis des années folles. Folles comme l’ambiance qui hérissent les poils d’un public qui en redemandent jusqu’au dernières notes du concert ! “Ne partez pas, on a encore soif” entend-on dans le public…

Et ça tombe bien qu’on ait encore soif, puisqu’on a désormais rendez-vous sur la scène Futuro avec les sud-africains de Philimuncasi, qui signifie littéralement en zoulou: “Toujours finir son verre”. Le trio électrise la Dame de Floreffe à grand coup de toyi-toyi, une danse zouloue née dans les années 70 lors des manifestations anti-apartheid. Une découverte aussi surprenante que délectable !

On finira alors la soirée sur le set de DJ Marcelle, une hollandaise d’1m80, au 60 printemps bien sonnés arborant des robes bariolées comme un papier des années 70. Véritable OVNI scénique, bercée par l’esprit punk dans son adolescence, Marcelle se tient toujours aussi loin des conventions aujourd’hui qu’elle ne le faisait à 16 ans. Jungle, free jazz, musiques traditionnelles du monde entier, mais aussi dancehall ou techno – tout y passe, parfois (malheureusement dirons certains) sans transition aucune – composent l’infinie palette de son DJ set gourmand d’1h30. Pas de fioritures ici, on va droit à l’essentiel !

C’est sur les derniers beats de DJ Marcelle qu’on reprend la route du camping pour une dernière bière avant d’aller au lit. Il s’agit d’être en forme demain, on a encore trois jours de festival au programme !

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