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BILAN 2022 : Live is life

Ca y est, c’est la dernière ligne droite pour cette année 2022 qui aura été marquée par un énorme et joyeux embouteillage dans les agendas et la programmation des salles. 2022 est l’année du retour à la normale sur le plan de l’organisation des concerts : plus de jauges, plus de masques, plus de CST, plus de concerts assis. Le secteur de l’événementiel a cependant été confronté à d’autres soucis : pénurie de techniciens qui se sont reconvertis durant la période du Covid, hausse du prix des matières premières et, comme pour tout le monde, des factures énergétiques. Bref, pas grand chose pour permettre à tout ce petit monde d’envisager le futur avec sérénité. En attendant de savoir ce que 2023 nous réserve comme surprises, on se la joue nostalgique en revenant sur les concerts de l’année écoulée qui ont marqué les membres de l’équipe de Scènes Belges.

On commence avec un concert qui s’est déroulé dans le cadre du FESTIVAL LASEMO où notre équipe a vécu une de ses plus grosses claques scéniques ! Plongés au cœur de ce coin de paradis idyllique, nous avons terminés une de nos plus soirées estivales devant le sublime set de THYLACINE ! Alors que nous l’avions déjà écouté dans nos écouteurs ici et là, le voir en live n’a absolument rien de comparable puisque nous avons vécu une vraie expérience. William Rezé de son vrai nom a performé et délivré une prestation bluffante. La scène s’est transformée le temps d’une heure en un plateau de spectacle en accueillant d’abord le piano à queue du pianiste et ami de William, Bravinsan, et rien que ça c’était déjà majestueux ; et puis pour enrober ces deux musiciens et leurs instruments, il y avait ce light set tout à fait remarquable. Les notes de musiques rebondissaient sur le faisceaux de lumières, William lui sautait sur les notes du piano et le regard de Bravinsan englobait le tout dans un calme dénotant de la liesse de la foule ! Bien sur, tous les titres étaient chargés de diverses autres instruments et influences : William Rezé joue du saxophone, du baglama (un luth de Turquie), revisite des chefs d’œuvre de musiques classiques, interprète les morceaux de son premier projet « Transiberian » où il sample des bruits de train, et le tout sur des beats sur lesquels il est impossible de tenir en place ! Bref nous avons reçu là un vrai cadeau qui nous accompagne encore aujourd’hui et que nous avons envie de qualifier d’œuvre…

Un peu plus tôt dans l’année c’est dans le cadre des NUITS BOTANIQUE que nous avons assisté à deux concerts irréels. C’est d’abord dans le CHAPITEAU que nous avons senti tout notre corps vivre durant le concert d’ASCENDANT VIERGE. Ce duo est un véritable ovni musical et visuel, brouillant les codes de notre époque. Mathilde Fernandez (artiste pop et goth) chantant ses textes oniriques en français tout en partant dans des contrées carrément épiques et lyriques dignes d’un grand opéra. Son binôme, Paul Seul, se chargeant d’envoyer une musique techno-gabber et hard-tech qui vient percuter les corps des festivaliers. Si il fallait donner une image plus parlante, on pourrait, de manière un peu caricaturale, écrire que Mylène Farmer a décidé de collaborer avec Manu Le Malin pour produire une opéra-rave. Ce fut l’hystérie absolue du début à la fin de ce concert. Cette ferveur festive était résolument positive et faisait vraiment plaisir à voir et entendre, aussi bien sur scène que dans le public. Nous nous sommes surpris à chanter (hurler?) et danser comme on ne l’avait plus fait depuis trop longtemps. Vivre et participer à ce magma humain en fusion fut pour nous une expérience bouleversante… et déshydratante.

Dans un tout autre style, c’est le concert de la pianiste-chanteuse polonaise HANIA RANI dans LE GRAND SALON DU BOTANIQUE qui aura marqué nos mémoires dans le cadre de ces mêmes Nuits du Botanique. Idéalement placés au premier rang, nous avons pris une véritable claque de fascination pour la beauté et l’élégance absolue de sa musique. L’expression vous n’entendrez rien de plus beau aujourd’hui y a pris tout son sens, mais pour l’année écoulée. On pourrait qualifier Hania Rani de « sœur musicale de Nils Frahm« . Son identité sonore oscille en effet entre musique classique et touches électroniques délicates et mélodiques. Durant près de deux heures elle a tenu en haleine un public très cosmopolite qui a fait preuve d’une écoute admirative et religieuse, conquis par ses compositions et son univers étoilés qui a fait s’hérisser nos poils. De là où nous étions, nous avons pu admirer toute la finesse et l’agilité des doigts de la pianiste sur les touches de ses instruments. Hania Rani est aujourd’hui une valeur sûre au milieu de tous ces jeunes artistes qualifiés de néo-classiques. 

C’est encore une femme qui aura retenu toute notre attention au début du mois d’octobre : CONDORE, projet solo de Leticia Collet qui a récemment accompagné Antoine Wielemans (chanteur de Girls In Hawaii) sur scène, était en première partie de Rone à l’AB. Seule avec son clavier, elle a relevé le défi d’embarquer avec elle un public pourtant clairement orienté clubbers. Et le pari était pourtant loin d’être gagné avec ses compositions entre la lumière vacillante d’une bougie et les atmosphères vaporeuses et fantastique d’Agnès Obel. En fin de set, c’est une AB hurlante qui lui réserva une longue ovation. Un projet musical qui nous a convaincu à 200% et qui sera à suivre de très près en 2023 !


On continue nos grands écarts de styles avec une des pointures du rap bruxellois : ROMEO ELVIS ! Après plusieurs années d’attente et presque autant de reports, notamment dû au Covid, Roméo Elvis a retourné l’ACCOR ARENA de Paris – Bercy pour les intimes – fin novembre. Cette date est l’une des rares qui a résisté à la pénurie d’intermittents du spectacle. Initialement prévue pour sa tournée « Chocolat », la date à finalement été un excellent mix de ses trois derniers projets : ‘Chocolat’ (album sorti en 2019), ‘Maison’ (EP sorti en 2020) et ‘Tout peut arriver’ (sorti en 2022). La Belgique avait fait le déplacement en masse pour soutenir l’artiste qui nous a offert un show digne de ce nom ! Écrans géants, costumes, pyrotechnie, mise en scène… Rien n’a été laissé au hasard et on sent que Roméo Elvis a profité des différents reports pour toujours amélioré la soirée. Et on a pas été déçu ! On a dansé, sauté, transpiré, chanté et même hurlé. Roméo s’est également fait plaisir pour cette date dont il rêvait depuis longtemps en invitant le gratin du rap franco-belge à chanter avec lui : Lomepal (sur leur titre 1000°C), Caballero & JeanJass, sans oublier ses frangins Primero, Swing et Loxley de L’Or Du Commun, groupe qui l’a repéré et avec qui tout à commencé. Le rappeur bruxellois a interprété tous ses meilleurs titres et a conquis le public qui en redemandait encore et encore !

Autre concert, autre salle avec le passage dévastateur d’ORELSAN au PALAIS 12 en novembre : On avait beau déjà l’avoir vu cet été en festival, les concerts bruxellois, et sa tournée dans sa globalité, font l’unanimité. Porté par le succès monstrueux de son dernier album, « Civilisation », le rappeur du Calvados a relevé le défi d’offrir un concert aussi bien pour les fans de la première heure que pour le large public qui a pris le train en marche. Et tout le monde semble d’accord pour dire que la claque qu’il met est aussi rare que qualitative. On sent le professionnalisme à tout point de vue: une production parfaite de bout en bout, le son, les lumières, la setlist, la présence… Il n’y a absolument rien à redire, c’est magique du début à la fin. Les médias sont eux aussi unanimes, qu’ils soient spécialisés ou généralistes. Décriés pendant de (trop) longues années, Orelsan semble être devenu intouchable avec cette tournée. Ses concerts au Palais 12 ont en effet confirmé cette impression. Vivement la prochaine tournée, enfin si il y en a une ?

Nous prenons maintenant la direction de FOREST NATIONALEDDY DE PRETTO y était de passage à la fin du mois d’avril. La soirée a super bien démarrée avec la découverte, en première partie, de The Doug qui a très bien chauffé le public avec ses sons poignants qui pansent ses écorchures. The Doug pourrait être décrit comme un rappeur de la chanson française à la rage sensible : un extraterrestre que je vous conseille d’aller découvrir ! Place à Eddy de Pretto qui a remué Forest dans tous les sens du terme. Il est apparu au plein cœur de la fosse, installé sur un très haut baffle : une belle entrée en scène où il a chanté avec toute la douceur qu’on lui connaît. Il acheva ce premier titre dans un très beau a cappella, rejoint par le public. Le concert s’est poursuivi dans un parfait enchaînement de titres qui ont fait dansé tout Forest comme s’il ne s’agissait que d’un seul être. Avec ses textes et musiques touchantes, il a suspendu le temps et fait couler des larmes sur quelques joues. Un très belle soirée dans une ambiance indescriptible, avec une cohésion telle qu’on avait l’impression d’assister à un concert dans notre salon, entourés de nos meilleurs potes. Les gens chantaient avec leurs tripes et dansaient avec les autres spectateurs comme si ils étaient seuls au monde. Cerise sur le gâteau : le son était excellent, apportant une profondeur aux arrangements. Bref, un sans faute pour ce concert d’Eddy de Pretto !

Au rayon des concerts aux proportions démesurées, il y a là aussi eu un programme très chargé en 2022 : entre Rammstein à Ostende, Coldplay, Ed Sheeran et les Rolling Stones (à condition d’avoir vendu un rein) au Stade Roi Baudouin, il y avait de quoi passer de nombreuses heures dans des embouteillages. Mais il y a aussi une tournée événement qui a marqué le début de l’été : le CENTRAL TOUR d’INDOCHINE. A défaut de date programmée en Belgique, c’est au STADE PIERRE MAUROY de Lille que nous avons eu l’occasion d’assister à une fameuse célébration entre le groupe qui fêtait ses 40 ans, avec un an de retard pour cause de Covid, et ses centaines de milliers de fans (plus de 400 000 spectateurs en 6 concerts). La débauche de moyens techniques, sonores et visuels était là aussi omniprésente, le tout pour des concerts de près de 3 heures. Là où des artistes internationaux sont plus coutumiers de ce genre de méga-show, la tournée d’Indochine constitue une exception dans le paysage musical francophone, à l’exception de ce que propose Mylène Farmer. Une jolie performance emmenée par le patriarche Nicola Sirkis qui continue, sans temps morts, à galoper d’un bout à l’autre des stades du haut de ses 63 ans.

© Indochine Officiel

Alors bien entendu on aurait pu parler d’une multitude d’autres concerts qui ont fait l’actualité cette année : on pense à Typh Barrow qui a tranquillement joué à guichet fermé à Forest National. Il y a aussi eu Mustii qui a déboulé avec des concerts très rock aux 4 coins du pays. Stromae a rempli la plaine de Werchter à lui tout seul. Les Tournaisiens d’Endless Dive ont offert une fantastique release party aux accents post-rock et étincellants au Botanique, accompagnés de Slamino en première partie : un talentueux sorcier du son et des ambiances. Les Bruxellois de Tukan ont eu aussi proposé une bouillante release party dans un Club de l’AB bondé et survitaminé. Les deux furieux de La Jungle ont quant à eux franchi le cap des 500 concerts depuis leur création ! Les Allemands de Moderat ont retourné l’AB 3 soirs d’affilée alors que Vitalic y atomisait tout avec un set électro très musclé pour fêter ses 20 ans de carrière. Rone a quant à lui fait chavirer cette même AB dans une euphorie dansante totale. L’AB a aussi vu Arno y jouer ses derniers intenses et touchants tours de chants. La setlist des Cure a mis tout le monde d’accord au Sportpaleis d’Anvers. La Scène Pierre Rapsat avait rarement été si noire de monde à Spa pour le concert de Clara Luciani. Un vent nouveau a aussi soufflé avec le concert archi-complet de The Haunted Youth à l’AB, les nouvelles coqueluches rock venues du Nord du pays, un groupe à aller découvrir rapidement. Les punk-rocker de Sum 41 (dont le temps ne semblent pas avoir d’emprise sur leur dégaine de salles gosses) sont venus rappeler à un public de trentenaires survoltés que le rock n’est toujours pas mort et que Forest National reste une formidable arène pour les gladiateurs de la musique. Nous pourrions encore continuer cette énumération pendant longtemps mais il est maintenant temps de foncer avec enthousiasme vers 2023 car les salles et festivals y ont déjà placé pas mal de jolis pions prometteurs ! 

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