Avis de tempête sur l’Orangerie du Botanique ce lundi soir avec la venue de THE PSYCHOTIC MONKS. Le groupe français a en effet récemment sorti un troisième album qui explorent les sombres vallées du post-punk, du noise et d’une électro-expérimentale. Bref rien qui ne soit répertorié sur une carte routière grand public. Si vous espériez passer une soirée tranquille et posée, il ne fallait pas trainer dans les parages. Les voisins de la salle doivent probablement garder un bruyant et vibrant souvenir du dernier passage du groupe dans le chapiteau des Nuits du Botanique au printemps 2019.

Pas question de commencer la soirée en douceur alors que DIEMEN SNIEP monte sur scène pour balancer des titres entre post-punk et noise. Le tout est bien rugueux et appuyé par une batterie qui percute et persécute ainsi que par une voix qui a tendance à dérailler de manière contrôlée. Les titres alternent entre passages posés et grosses bastons électriques. Une première partie bien à propos au regard de ce qui va suivre avec THE PSYCHOTIC MONKS.

En effet, dès les balances, ça envoie déjà des lignes de basse qui grésillent dans tous les sens. On retrouve sur scène un batterie et son batteur, des machines et leur machiniste-bassiste vêtu d’un grand kimono ouvert avec des airs et un physique de Sheldon Cooper de Big Bang Theory. Il y a aussi un guitariste aux airs de la décadente époque de Twiggy Ramirez vs Marilyn Manson. Enfin, il y a un second guitariste qui danse d’abord seul sur scène dans son coin. Le set commence dans une ambiance sonore étrange et inquiétante à la fois, avec des bruits de respirations et des cris fantomatiques. Il y  a quelque chose de l’ordre de la démence et de la psychiatrie qui se passe sur scène, chaque musicien étant comme isolé dans sa bulle, semblant jouer dangereusement avec la frontière du point de non-retour psychique. 

La batterie déboule ensuite sur un rythme effréné qui fait danser Le Botanique en ce lundi soir. Premier jour de la semaine où d’habitude les spectateurs sont assez calmes. Le groupe déverser une sorti d’électro-bruitiste et hypnotique. The Psychotic Monks produit une musique riche d’influences et ils n’hésitent pas à prendre des virages inattendus et des sentiers que nous n’avions pas anticipés. C’est le cas avec un morceau plus mélodieux qui résonne comme un hymne lugubre. S’en suit un passage dont Radiohead aurait pu revendiquer la genèse. Tout ça pour déboucher sur un spoken words tout aussi sombre et torturé qui devient ensuite très rugueux. Autre élément inattendu : l’apparition d’une trompette pour enrichir l’atmosphère sonore d’une impression de tourbillon, comme un acid-trip jazzy et noisy à la fois. La basse ronronnant alors comme la respiration d’un monstre assoupi. Et tout ça s’imbrique avec cohérence sans jamais sonner de manière bordélique.

On prend ensuite la direction de quelques titres garage-punk qui font nerveusement pogotter les premiers rangs. Les guitaristes font partie de ceux dont il est impératif de respecter les mesures de distanciation sociale (même en dehors du Covid) pour éviter de se prendre un vigoureux coup de manche de leur instrument dans le visage. La manière de chanter nous renvoie quant à elle vers le début des années 2000 où un autre groupe français sévissait et excellait dans cet électro-rock noisy : LTNO (Limited Teenage Noise Orgasm) qui était emmené par l’androgyne Emmanuel 5. On note d’ailleurs que chacun des quatre musiciens vient également poser sa voix au fil des morceaux qui s’enchainent.

Le concert avance et, de temps à autre, la scène prend littéralement des allures de sombre hôpital psychiatrique dont on aurait laissé les patients sortir pour explorer des sphères du vivant et du son auquel un esprit sain ne peut pas accéder. Mais un esprit sain n’est-il pas défini uniquement par ce qu’un groupe social dominant décide de définir comme tel pour se différencier d’un autre groupe social ? Bref, ce genre de considération sont bien relatives et nous amènent à dire que les quatre gars de The Psychotic Monks se font un plaisir d’aller jouer de l’autre coté de cette frontière sonore définie de manière très arbitraire. Le concert repart donc dans une exploration bruitiste à l’atmosphère crépusculaire mais apaisée, bercée par un chant plaintif et intime. Et c’est bien là une des forces du groupe : arriver à créer une atmosphère sensible et à fleur de peau malgré la froideur et la dureté du traitement sonore imposé. Pareil avec un titre dont la montée en tension électrique à base de guitares acérées génère autant d’excitation et d’appréhension que certains titres apocalyptiques des Courtraisiens d’Amen Ra.

On est donc finalement très peu étonné de voir le groupe remercier longuement le public à la fin du set, avec de grands sourires aux lèvres, tout en confiant avoir pris beaucoup de plaisir sur la scène du Botanique. Comme l’a très justement écrit la RTBF à leur propos, “The Psychotic Monks reste l’un des secrets les mieux gardés du rock français”. Nous ne pouvons que confirmer cet élogieux descriptif. Et pour ceux qui ont loupé le coche de ce lundi soir, le groupe sera de retour chez nous le 16 juillet à Dour.

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