LES NUITS BOTA continuent à faire vibrer les murs de la capitale en ce début de mois de mai. Une fois encore, il y avait du beau monde à l’affiche ce mercredi soir. Il a encore fallu jongler entre les scènes et les horaires de passages des uns et des autres pour essayer d’en rater le moins possible. C’est entre La Rotonde et le Le Chapiteau que nous avons fait la navette. Au programme : LO BAILLY et MIA LENA dans la “petite” salle, alors que THE HAUNTED YOUTH, ADA ODA et SOROR occupent la scène installée dans le parc. De quoi s’en mettre plein les oreilles, avec qualité et diversité.

C’est à l’heure de l’apéritif que nous entamons notre parcours sonore du soir avec SOROR. Les Bruxellois ouvrent la soirée sous Le Chapiteau. Le quatuor évolue dans un registre rock alternatif porté par deux voix féminines délicieusement rauques. Les titres nerveux et d’autres plus sensuels s’enchaînent, sonnant de temps à autre comme un rock sulfureux en provenances des années septante. Quelques kicks électroniques viennent compléter l’ensemble. On retrouve aussi une basse qui ronronne et grésille ainsi qu’une guitare qui lâche des riffs faussement décontractés. Le batteur imprime en effet un rythme soutenu et vif. Et de fait, on assiste à quelques fameux passages bien rock et costauds quand ce ne sont pas des passages instrumentaux qui partent en joyeuse et jubilatoire sucette noisy et incantatoire.

Pour la suite, le ton est donné avec de la musique italienne très eighties (on a pas dit kitsch bien que… voilà) diffusée dans les enceintes du chapiteau avant le début du concert qui arrive. C’est ADA ODA qui prend le relais pour un set rock décontracté et frais chanté en Italien par Victoria Barracato avec sa voix, elle aussi, délicieusement brisée. Le groupe, également basé à Bruxelles, s’inspire des influences multiculturelles de la ville. Il y a quelque chose des Ting Things chez eux avec ces rythmes et sons de guitares sautillantes. Assez rapidement Victoria Barracato s’aventure dans la fosse alors que les musiciens s’en donnent à cœur joie avec des pédales d’effets pleines de reverbs ensoleillées. Certains titres prennent une couleur quasiment punk dans un style binaire énergique et dansant.

Nous prenons ensuite la direction de La Rotonde pour le concert de la jeune MIA LENA que nous avons rencontrée il y a quelques jours à l’Inc’Rock Festival. Son interview sera à lire prochainement sur notre site. On note la présence d’un bidouiller-beatmaker et d’un guitariste sur scène. C’est avec assurance et détermination qu’elle capte l’attention d’un nombreux public qui s’est déjà chaudement amassé au devant de la scène. Sa voix voyage quelque part entre hip-hop et soul. Après deux titres en anglais, elle enchaine sur une série de titres en français avec une poésie romantique et désabusée. Son guitariste nous offre quelques solos de guitares électriques bien langoureux. La jeune demoiselle passe aussi derrière un synthé pour un titre tout doux. Place ensuite à un gros béat qui frappe en sourdine pour un titre plus hip-hop, bien que le chant y occupe une place importante. Mia Lena est une affaire à suivre de près dans les prochains mois car elle évolue dans un registre où les influences se croisent tout en restant cohérentes.

Nouvelle sensation rock venue du Nord du pays qui a déjà rempli l’AB dernièrement, THE HAUNTED YOUTH se retrouve ce soir en tête d’affiche du Chapiteau. Il faut dire que les compositions dream-pop sur fond de guitares électriques légèrement shoegaze et crasseuses tombent agréablement dans l’oreille. The Haunted Youth a donc déjà fait chavirer le public néerlandophone et le chapiteau est archi-complet ce soir. Le groupe, emmené par Joachim Liebens, monte sur scène sous de généreux applaudissements et dans un lightshow ombragé vite noyé dans les fumigènes qui envahissent le chapiteau. Leur musique évoque une sorte de nostalgie adolescente aussi vaporeuse et aérienne que bienveillante et insouciante, à l’heure où rien n’était grave et où tout était facile. Adolescence oui, niaisierie non ! Nous ne pouvons que les remercier pour cette douce mélancolie qu’ils nous font vivre ce soir, nous renvoyant vers les souvenirs de notre propre jeunesse (bien que nous ne soyons pas si vieux que ça). La présence de synthés très atmosphériques y est pour beaucoup. Ils y vont également à fond sur les pédales d’effets pour proposer un son plein de reverb et de lumières. Mais cela n’empêche pas la formation de proposer quelque chose de très rock et énergique malgré tout, bien plus que sur les versions studios. Le rythme de la basse nous renvoie quant à lui vers les années 80.

C’est à regret que nous devons quitter le chapiteau au bout de quelques titres pour prendre la direction de La Rotonde car un jeune et prometteur jeune homme nous y attend. La cause est donc bonne puisque c’est LO BAILLY qui va prendre possession de la scène. Nous ne sommes pas peu fier de pouvoir écrire que nous le suivons et le supportons depuis ses débuts (pas comme les 150 000 personnes qui jurent avoir été présentes au tout premier concert de U2 en Belgique au Classics à Uccle en 1980). Lo Bailly, nous l’avions découvert en première partie de Sïan Able à Flagey il y a quatre ans. Nous étions, à l’époque, tombés sous le charme de ses textes vifs et bruts sur fond de piano classique. Lo Bailly chante en français, quelque part entre rap, slam et chanson française, aussi inclassable que singulier. Il se distingue par des textes introspectifs sans filtres qui sont le reflet des générations X et Y, à la recherche de socles et de balises dans une société qui ne tourne plus très rond. Lo Bailly c’est un peu comme une sorte de réincarnation vaporeuse et tranquille de Fauve, presque jazzy par moment (on pense au titre “Amsterdam”). Après une victoire au concours du F Dans Le Texte et un premier EP, le voilà qui débarque au Botanique avec “Prosaïque”, un premier album aussi riche que réussi.

Ce soir, c’est accompagné de deux musiciens (un batteur et un guitariste/beat-maker) que le Bruxellois monte sur scène pour sa première date en tête d’affiche à La Rotonde. Et en plus c’est soldout ! C’est avec son titre “Mort-né” qu’il entame son set. On est surpris par la vivacité de son interprétation et par les arrangements live qu’il propose. Dans la salle, le public reprend en cœur les paroles de ce titre qui l’a fait connaitre il y a deux ans. Nous sommes aussi charmés par le gros lightshow en place pour accompagner ses morceaux.

Alors que son album contient quelque chose de très intime, le passage vers le live donne un second relief aux titres, plus musclé et mordant, parfois presque frontal, mais jamais violent ou agressif. Et cela n’est pas pour nous déplaire. Il y a aussi ces différents moments où il s’installe derrière son piano et son synthé aux sonorités d’orgue pour nous proposer des choses plus délicates comme “Amsterdam” ou “Delphine” et son final musicalement tumultueux. C’est ainsi qu’avec ses musiciens ils nous offrent de jolies envolées bien rock et électriques. On retrouve aussi d’efficaces arrangements électros, comme sur “Palabres” et le très ensoleillé et dansant “Coléoptères part.2”. Le trio sur scène propose également une version plus électronisée du titre éponyme, “Prosaïque”, avant un final à base de guitare électrique. Cette influence rock revenant encore et encore. On aime aussi la version à cœur ouvert et urbaine de “Parade Nuptiale”, avec quelques relents de trip-hop musclé, plein de grosses basses rondes et profondes.

Lo Bailly appartient à cette génération qui a depuis longtemps brisé les frontières des styles musicaux et qui se nourrit de tout ce qui le touche et l’entoure. C’est urbain, brut, sensible, fougueux et rock à la fois. Dans le public, il y a des amateurs de rap et de hip-hop et aussi des fans de riffs de guitares venus avec la ferme intention d’élargir leurs horizons musicaux respectifs au son des titres de Lo Bailly. Pour ses textes, il se ballade entre introspection sans mensonge et portraits de personnages imaginaires (“Delphine” et “Maryline”). L’interprétation de ceux-ci est faite avec conviction et énergie, presque avec rage, suscitant cris et applaudissements à plusieurs reprises. Lo Bailly demande au public de l’accompagner sur “Ambulance” en reprenant le fredonnement de la mélodie en chœur. En rappel, et pour clôturer la soirée, Lo Bailly revient seul sur scène pour une version jazzy de “Mort-né” alors que la salle s’illumine spontanément de dizaines de lucioles de smartphones. Mission accomplie pour ce set de haute-voltige ! La soirée peut continuer dans les serres du Botanique qui ne désemplissent pas et où il faut jouer des coudes pour pouvoir approcher le stand de merchandesing du jeune homme. 

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