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INTERVIEW – LA JUNGLE (partie 2) : "Quand on se cassera les dents au pied de la montagne, on fera moins les malins"

Lorsqu’on avait contacté LA JUNGLE pour discuter avec eux de la sortie de leur nouvel album, « Fall Off The Apex », on ne pensait pas qu’on allait se retrouver avec autant de contenu et près d’une heure d’interview à retranscrire sans vraiment être en mesure de « jeter » quelque chose. Deux solutions dès lors : soit on coupait au montage comme au cinéma, soit on gardait tout mais en scindant l’ensemble en deux interviews. On a fait le choix de scinder pour ne pas devoir tronçonner violemment le contenu riche et dense de cette rencontre. La première partie de leur interview est disponible ICI. On retrouve le duo montois pour la seconde partie de cette interview où nous allons notamment nous pencher de manière plus approfondie sur ce fameux nouvel album, mais pas que… [caption id="attachment_19100" align="aligncenter" width="500"] © Fred Labeye[/caption] Scènes Belges : Vous avez été en studio cette fois-ci, ce qui n’avait pas été le cas sur les précédentes productions ?  La Jungle : Est-ce qu’on n’avait jamais beaucoup de temps à consacrer à ça, à cause des tournées incessantes ?  Je ne sais pas.  Là on a composé et en un seul jour il y a eu 4 morceaux qui sont nés.  Tu sentais qu’en un mois et demi, deux mois il fallait que les choses sortent. On a été en studio en mars de l’année passée, puis avec le confinement on a achevé le mixage en avril en échangeant les titres par Internet. Au mois de Mai l’album était fini. Scènes Belges : D’où vient le titre de l’album, « Fall Off The Apex », (Tomber du sommet » en français) ? La Jungle : Le titre n’a rien à voir avec le COVID parce qu’il a été écrit avant.  On voulait plus mettre un accent sur la société : le réchauffement global notamment. On ne va pas vers une coopérative mondiale où tout le monde y met du sien. Quand on fait ce constat ce n’est pas moralisateur du tout. On n’est pas là pour prétendre expliquer aux gens quelles valeurs ils doivent avoir.  On revient de Russie et on a pris 4 avions pour y aller ! Qui sommes-nous pour donner des leçons ? La chute du sommet on y participe largement.  Il y a malgré tout des connards sur Terre qui se sont donnés pour mission de foutre la merde.  Cet album, il souligne ça aussi : « rien à foutre de plus tard, rien à foutre de nos gosses, de la diversité ».  Les gens ne croient plus en rien de vrai.  On s’écarte complètement de la science, on tombe dans l’obscurantisme. On croit en des conneries.  Un truc bien joyeux quoi.    [caption id="attachment_19107" align="aligncenter" width="500"] © Fred Labeye[/caption] Scènes Belges : On ne peut pas dire que votre vision de l’humain et du futur soit très optimiste ? La Jungle : « Fall Off The Apex » c‘est pour dire qu’on est en pleine chute et qu’on oublie d’apprendre, on oublie l’humilité.  Et quand on se cassera les dents au pied de la montagne, on fera moins les malins, ça sera bien fait pour nous.  Et la nature va nous rappeler à l’ordre, que ce soit à coup de pandémie ou quoi que ce soit d’autre. C’est déjà en train de se faire. Le problème, dans 5 ans, ce sera la surpopulation sur terre. Le réchauffement va faire que tout le monde va remonter en Europe. C’est un truc que la Terre a déjà connu.  Ce n’est pas la théorie de Gaya non plus.  Mais ça va se réguler sauf qu’on peut éviter ça.  La Terre elle va s’en remettre. La nature est extrêmement résiliente.  La Terre n’a pas besoin de nous.   « Le nivellement par l’abîme ».  C’est un terme qui me plait pas mal. Avant je disais beaucoup « nivellement par le bas ».  Il y a pas longtemps, j’ai vu ce terme là et ça parlait clairement d’obscurantisme et de dire que la science faisait fausse route et que ce n’est pas elle qui nous sauvera.  Alors que je suis intimement persuadé qu’avec la science il y a un potentiel, on prend des photos sur mars en haute-résolution quand même! Mais ce potentiel est mal exploité. On ne donne pas de leçon, on n’est pas un groupe politique.  Tu en fais ce que tu veux. Le texte tu peux le voir d’une manière ou d’une autre.  Après certains pourraient trouver ça creux mais on s’en fout.  C’est notre manière de le dire à nous.  On ne va pas dire, entre deux chansons dans un concert, que nos politiques font de la merde.  On n’est pas des activistes. Scènes Belges : Pour en revenir à votre album, votre musique est en générale assez sauvage et brute.  Et à côté de ça, le dernier titre de l’album « The End The Score » fait 14 minutes et est peut-être un des morceaux les plus posé que vous ayez fait jusqu’à maintenant.  La Jungle : On l’a fait en une seule répétition.  On l’a enregistré pour qu’on se souvienne des accords.  On a très vite compris qu’il y avait trois parties. Mais c’est plus dans notre manière de faire.  On sait que les pédales, si on enregistre des trucs, on ne peut pas réenregistrer dessus.  Avec ce morceau on a réussi à créer une toute nouvelle couche où on envoie des morceaux d’une pédale sur l’autre. On est arrivé à un truc assez inédit dans notre démarche et notre approche de la musique. Les gens nous parlent beaucoup de ce titre, c’est curieux.  Ça signifie que les gens ont écouté l’album jusqu’à la fin ou tout du moins  qu’ils sont intrigués et ont une réflexion du style « c’est la jungle, c’est urgent d’habitude, qu’est-ce que c’est que ça ? ».  On était en répétition et Mathieu a fait ce riff et ça nous a plus, alors on a décidé de le garder. [caption id="attachment_19106" align="aligncenter" width="501"] © Romuald-Strzelczyk[/caption] Scènes Belges : Il y a quelque chose d’assez primaire qui fait penser à certains rythmes un peu tribaux, une transe collective qui monte progressivement sur la longueur La Jungle : La batterie ce n’est pas un accompagnement qui est très élaboré. Et l’intro ce n’est pas du didjeridoo comme j’ai pu le lire ailleurs. C’est le son de la basse. Ce morceau c’est un peu l’ambiance quand tu arrives dans une soirée, que tu vois les gens qui fument des clopes assis autour de la table, tu sais tout de suite comment la soirée va finir ou pas. Faire un morceau bien long, bien sombre, qui ne met pas forcément à l’aise et qui clôture le disque sur une note pas forcément positive, c’est un truc qui nous a beaucoup parlé quand on a fait le morceau.  Scènes Belges : On a le clip « le jour du cobra » qui lui est un peu second degré, déjanté.  Comment cela s’est mis en place ?  La Jungle : L’idée c’est de continuer de travailler avec Fred Labeye qui avait déjà fait les photos des pastèques sur le deuxième album, les chevaliers sur le troisième album, le clip pour la sortie du double live sur les plaines de Dour.  C’est quelqu’un qu’on connaissait déjà avant, qui aime bien le travail de La Jungle.  On avait remis un dossier pour obtenir des subsides pour faire un clip mais on ne l’a pas obtenu. Du coup, il s’est dit « je m’en fous, je vais faire un clip ».  Et on a tout fait.  C’est génial parce que c’est un clip qui vaudrait je ne sais pas combien de milliers d’euros et tout ça s’est fait grâce à lui.  Il avait son studio, toute l’équipe est venue bénévolement, on s’est tous arrangé et on a réussi à faire un truc super, d’une manière totalement professionnelle. [embed]https://www.youtube.com/watch?v=a-YEC8cjJGA[/embed] Scènes Belges : Tout ça s’est fait très spontanément. La Jungle : Quand tu investis autant d’énergie dans un groupe de musique, tu crées une espèce d’attraction qui fait que des gens se présentent à toi spontanément en te disant qu’ils aimeraient travailler avec toi, apporter leurs idées, sont concernés par ce que tu fais. Ils découvrent qu’on est des gens tout à fait ordinaires.  Il y a plein de choses qui se font comme ça. Il y a encore trois autres clips qui vont sortir et c’est à chaque fois avec des gens qui sont venus vers nous. On n’a jamais passé une commande pour un clip. On ne s’est pas dit « on va contacter untel pour faire un clip ».  Si on a 4 clip sur cet album-ci, c’est parce qu’on a rencontré des gens. Si on n’en avait pas sur le premier album c’est parce qu’on était au tout début.   Scènes Belges : Pour en revenir au clip du titre « Le Jour du Cobra », expliquez-nous quel est le fil rouge de celui-ci ? Fred Labeye a voulu retranscrire la manière dont il ressent un concert de La Jungle et la manière dont les gens le vivent. Il a fait ça de manière décalée. Nous on ne donne pas forcément nos idées pour un clip comme ça, il y a une direction artistique, c’est lui qui l’a entre les mains. On est là pour participer au tournage du clip : on s’habille en fille, on fait ce qu’il nous demande. C’est lui qui gère, on lui fait confiance. [embed]https://www.youtube.com/watch?v=z_qScWkxt4U[/embed] Scènes Belges : Est-ce que vous pourriez nous parler du projet « Trans Wallonie Express » ?  La Jungle : On est tombé sur un groupe qui s’appelle Kermesse à l’Est l’été dernier qui a fait le tour des patelins de la région de Mons.  En gros, on a vu passer un appel à projet avec comme mission de faire rayonner la Wallonie en Wallonie et à l’étranger. On créé un dossier, on l’a remis et comme des cons on a été soutenu donc maintenant on va le faire.  L’idée c’est de combattre le COVID en faisant des concerts sur une scène amovible, à l’extérieur en étant autonome au niveau électrique aussi.  On va trouver des lieux inédits, les curiosités de Wallonie (près d’un arbre centenaire, un totem canadien à Virton,…).  On espère pouvoir concrétiser ce projet durant l’été. En plus de l’aspect « live », le projet comporte aussi une dimension de mise en valeur du patrimoine avec la réalisation d’un documentaire qui va relater cette tournée et qui va mettre en avant ce patrimoine.  Scènes Belges : Vous venez aussi également de sortir une bière, « La Transe Humance » avec la brasserie La Source à Bruxelles.  Vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. Expliqure nous à quel moment vous vous êtes mis en tête de faire de la bière ? La Jungle : On a toujours bien aimé la bière, surtout avec notre booker.  A un moment il nous parlait de faire une bière avec de la pastèque.  On connaissait des gens qui nous ont amenés à La Source, Julien n’y travaillait pas encore.  Et ça s’est passé comme le reste, via des rencontres. On a fait la bière, on a pu la vendre et faire deux concerts dans la foulée au sein de la brasserie. C’était du win-win.  On a ensuite pensé qu’il pouvait être chouette d’avoir une bière pour la tournée. Et cela s’est fait naturellement et spontanément. Les gens de La Source sont des personnes qui ont des idées et qui aiment nos idées à nous aussi. Ils veulent les mettre en commun : associer deux images, la dimension musicale d’un groupe et le brassage d’une bière. Ce sont deux disciplines différentes mais qui peuvent se compléter. Nous on veut faire de la musique, si on ne gagne pas d’argent, on s’en fout, on le fait.  Et eux c’est la même chose.  Ils aiment le côté créatif qu’on retrouve dans le fait de faire de la bière.  Il n’y a pas de calcul. Scènes Belges : Ce n’est pas motivé par un quelconque plan promotionnel, marketing, financier,..  La Jungle : Toutes les bières qu’on a fait, on n’a jamais gagné notre vie avec.  En en tournée, pour remercier les gens, plutôt que de donner un CD, on donnait une bière.  Et surtout, on en a bu les ¾! Si on fait une bière, ce n’est pas pour se faire de l’argent. Si demain un fabriquant de vélo vient nous trouver en disant « j’aimerais qu’on parle ensemble car j’aime votre musique » et que les mecs font des vélos eux-mêmes, pourquoi ne pas réfléchir ensemble? C’est un état d’esprit.  Il y a tellement de gens coincés dans ce truc : faire un album, faire une tournée, vendre et revenir chez soi. Il faut voir au-delà, il y a plein d’autres choses.   Scènes Belges : Et selon vous, qu’est-ce qui fait qu’il y a autant de gens qui viennent vers vous avec des projets divers ?  La Jungle : C’est peut-être qu’on a beaucoup d’actualités parce qu’on joue souvent… On ne sait pas. On ne sait pas vraiment répondre à cette question.  On rencontre beaucoup de gens : tu rencontres les gens après un concert et ça peut commencer comme ça. On a déjà eu des gens qui sont venus vers nous avec des projets, sans qu’on les ait rencontré au préalable. Mais la plupart des projets ont trouvé leur origine dans des rencontres. Et pour provoquer ces rencontres, c’est par l’intermédiaire des concerts qu’on a pu le faire. POUR RAPPEL : LE 4° ALBUM DE LA JUNGLE EST SORTI LE 21 MAI ET IL EST DISPONIBLE A LA VENTE EN VERSION VINYLE, CD ET DIGITALE SUR LEUR PAGE BANDCAMP. VOUS TROUVEREZ AUSSI PLEIN D’AUTRES CHOSES, ENFIN SEULEMENT SI IL RESTE DU STOCK !]]>

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